Nous continuons notre enquête sur l’Autriche en tant que « coffre-fort » où stocker votre or physique, avant de passer aux Etats-Unis, qui ont peut-être des atouts en la matière…
Comme nous l’avons vu hier, l’Autriche n’est pas à court d’arguments du point de vue du stockage d’or physique. Le pays affiche en effet une neutralité perpétuelle dans les relations internationales, ses pratiques bancaires répondent aux normes les plus élevées en termes de confidentialité, son Etat est bien plus conservateur que le nôtre sur le plan budgétaire et, pour ne rien gâcher, il dispose de l’une des fabriques de monnaies parmi les plus anciennes au monde.
Ce n’est pas tout. Vous allez voir que l’attrait de l’Autriche pour les investisseurs en or physique est loin d’être une relique du passé !
L’Autriche : une fiscalité de l’or très attractive qui se traduit dans les achats du secteur privé
Cette tradition aurifère se confirme dans la fiscalité autrichienne. Comme le soulignent Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek (S&V) dans le dernier rapport In Gold We Trust, l’or est exonéré de TVA, « alors que l’argent, le platine et le palladium sont soumis à cette taxe. En outre, les plus-values sur l’or sont exonérées d’impôt pour les investisseurs privés après la période de spéculation d’un an ».
Rappelons qu’en France, l’abattement pour durée de détention n’est que de 10% du montant de la plus-value à compter de la troisième année de détention. Deux salles, deux ambiances, comme on dit sur Twitter…
Cela se traduit dans une forte appétence des Autrichiens pour l’investissement aurifère puisqu’« ils détiennent en moyenne 486 grammes d’or par personne », soit un total d’environ 561 tonnes d’or détenues à titre privé en Autriche.
Cela représente presque le double des avoirs en or de la Banque nationale d’Autriche (280 tonnes), lesquels ont fait les frais des idées en vogue chez les autorités européennes dans les années 1990 et 2000.
C’est donc surtout du côté des investisseurs privés que se situe l’appétence autrichienne pour le métal jaune. Le tableau ci-dessous, issu du dernier rapport sur les Gold Demand Trends du World Gold Council (29 avril 2021), vous permettra de prendre la mesure du décalage culturel entre les épargnants des pays germanophones et nous autres Français (mais plus généralement vis-à-vis de tous les autres Européens).
La différence culturelle est assez extraordinaire puisque le rapport entre la demande d’or autrichienne (et allemande) et la demande d’or française est selon les années de 1 à plus de 10 !
Si vous voulez mon avis, la fiscalité et le pouvoir d’achat ne sont pas les seuls facteurs à jouer dans cette histoire. Comme je l’écrivais dans d’autres colonnes :
« Ces chiffres illustrent à quel point une crise monétaire est traumatisante […] Nos voisins allemands et autrichiens ont en effet gardé une certaine appétence pour l’or, tant ‘les horreurs de l’hyperinflation de 1923 (Allemagne) et 1924 (Autriche) font encore partie de la mémoire collective’, comme le rappelaient S&V dans le rapport IGWT 2020. »
Voilà sans doute de quoi expliquer pourquoi « l’Autriche n’a pas d’égal lorsqu’il s’agit de la manipulation (handling) et du stockage de l’or en toute sécurité. Il existe de nombreux coffres-forts privés et services de coffres-forts anonymes, dont certains seulement proposent leurs services sur Internet », comme l’indiquent S&V dans la dernière édition de leur rapport.
S&V relèvent cependant un bémol qui a trait à la confidentialité des investissements :
« […] Depuis le 1er janvier 2021, les coffres-forts anonymes tombent sous coup de la juridiction nationale, conformément à la cinquième directive anti-blanchiment de l’UE. Un amendement de 2021 à la loi sur le registre des comptes et l’inspection des comptes (KontRegG) a rétroactivement ajouté à son registre tous les coffres-forts à compter du 1er janvier 2015.
Cependant, grâce au système juridique solide et éprouvé de l’Autriche, on peut supposer que le contournement du secret bancaire ne se fera que par décision judiciaire. »
Ma foi, croisons les doigts…
Et les deux Autrichiens de conclure :
« Dans l’ensemble, l’Autriche mérite sans aucun doute la réputation selon laquelle le pays est l’un des meilleurs endroits au monde pour le stockage d’or. »
« L’un des meilleurs endroits » seulement en effet, car le lecteur qui aurait lu les billets que j’ai consacrés au Liechtenstein et à la Suisse aurait tout à fait le droit de penser qu’il existe des solutions encore plus avantageuses pour stocker son or à quelques encablures de la France.
Voilà pour l’Europe.
Je vous propose maintenant de profiter de l’été pour changer de continent…
Zoom sur les Etats-Unis : une solution « moyenne » réservée aux Américains
A l’époque où je rédigeais mon livre (2012-2013), je n’avais pas retenu les Etats-Unis dans la liste des pays que je recommandais pour stocker ses métaux précieux.
Les raisons de ce choix étaient assez évidentes : il s’agissait de l’épicentre de la dernière Grande crise financière et l’Etat fédéral n’avait depuis lors jamais cessé d’accroître son niveau d’endettement (à l’instar en particulier des entreprises non-financières), sans compter le très mauvais souvenir qu’a laissé la réquisition de l’or des Américains par le président Roosevelt en 1933, et l’interdiction consécutive pour les citoyens américains de posséder de l’or physique jusqu’en 1975.
Bref, autant vous dire que j’ai été surpris de voir le pays de l’Oncle Sam figurer au menu des destinations où stocker son métal jaune dans la dernière édition du rapport IGWT.
Spoiler : S&V ne disent pas que du bien des Etats-Unis, mais ils remettent un certain nombre de pendules à l’heure.
Les deux Autrichiens commencent par rappeler que le succès américain repose sur sa Constitution de 1787, laquelle « consacre les libertés individuelles et limite les pouvoirs du gouvernement », soulignent S&V.
Le contrat social américain a en effet joué un rôle majeur dans le fait que les Etats-Unis sont devenus une nation bardée de superlatifs : « elle possède la plus grande économie au monde, elle domine la recherche scientifique et elle est, de loin, la première puissance militaire au monde », comme le rappellent S&V.