La Chine détient beaucoup plus d’or qu’elle ne le laisse paraître

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Dans un monde inondé par l’impression monétaire, une monnaie adossée à l’or aurait une grande crédibilité. La Chine, qui entend faire du yuan la monnaie de réserve internationale – possède beaucoup plus d’or que n’importe quel pays. Mais combien ?

Il est clair depuis un certain temps que la Chine a des vues sur le statut de monnaie de réserve du dollar américain. Pour la Chine, il s’agit simplement d’un retour à sa position légitime au sommet du monde. Pour nous, les usurpateurs occidentaux, les implications sont tout simplement énormes.

Neuf banques centrales sur dix travaillent sur des monnaies numériques, selon une étude de Fintech and IT Benchmarks 2021, mais aucune (sauf peut-être les Bahamas) n’est aussi avancée que la Chine, qui s’y penche depuis au moins 2014. Il se dit qu’elle voudrait que cette monnaie soit totalement fonctionnelle pour les Jeux olympiques de Pékin en 2022. Oubliez le Britcoin de Rishi Sunak, la Chine a une longueur d’avance.

Le Wall Street Journal rapporte que le radiodiffuseur chinois CGTN a fait circuler une animation en anglais montrant un homme vêtu d’une chemise à l’effigie du drapeau américain, assommé par une pièce en or portant le sceau du yuan numérique. Un mot m’a frappé dans cet article du Wall Street Journal : « golden » (doré). L’or est un actif inutile et inerte, n’est-ce pas ? Son apogée remonte au XIXe siècle et il n’est pas plus pertinent pour la finance moderne que le cheval ne l’est pour les transports ?

Aujourd’hui, nous revenons à l’un de nos sujets favoris : combien d’or possède la Chine ?

Quelle quantité d’or la Chine possède-t-elle ?

Pour ceux qui ont une courte capacité d’attention et qui ne veulent pas lire jusqu’à la fin de l’article, je vais aller droit au but : la Chine possède beaucoup plus d’or qu’elle ne le dit. En fait, la Chine a plus d’or que les États-Unis. Ses énormes réserves d’or font partie intégrante de son grand projet de monnaie de réserve internationale.

C’est vrai. Il est temps d’étayer ces affirmations. Faisons un audit. Les audits impliquent beaucoup de chiffres – et trop de chiffres peuvent devenir un peu lourd, je vais donc essayer de les limiter au minimum mentalement digeste. Mais permettez-moi de commencer par le chiffre le plus important et de l’ancrer dans votre esprit : les avoirs en or des États-Unis. Les registres officiels montrent que les États-Unis possèdent quelque 8 133 tonnes d’or, dont la majeure partie se trouve à Fort Knox. C’est le plus grand détenteur au monde (du moins c’est ce que nous pensions) et l’or représente 77% de ses réserves de change officielles.

Les avoirs officiellement déclarés de la Chine, soit 1 948 tonnes, ne représentent que 3% de ses 3 200 milliards $ de réserves de change, mais le véritable chiffre est bien plus élevé. La Chine est le plus grand producteur d’or au monde depuis 2007 – au cours de la dernière décennie, elle a produit environ 15% de tout l’or extrait dans le monde ; l’année dernière, elle a produit 380 tonnes, soit 20% de plus que le deuxième producteur mondial, l’Australie.

Depuis 2000, la Chine a extrait environ 6 500 tonnes d’or. Plus de la moitié de la production d’or chinoise appartient à l’État ; la China National Gold Group Corporation en représente à elle seule 20%. Le chiffre officiel de 1 948 tonnes semble déjà douteux. Il est important de noter que la Chine conserve l’or qu’elle extrait – l’exportation de la production minière nationale n’étant pas autorisée.

Avec des réserves en baisse dans le pays, les sociétés minières chinoises ont également acheté des actifs à l’étranger, en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie. L’année dernière, la production internationale a dépassé la production nationale d’environ 15 tonnes. En plus d’être le premier producteur mondial, la Chine est aussi le premier importateur mondial. Il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur les importations, mais nous savons par exemple que, via Hong Kong seulement, plus de 6 000 tonnes sont entrées dans le pays depuis 2000. Si l’on ajoute à cela la production cumulée d’or depuis 2000, on obtient un chiffre de 13 200 tonnes.

Qu’il soit importé, extrait ou recyclé, la majeure partie de l’or qui entre en Chine passe par le Shanghai Gold Exchange (SGE), y compris l’or importé via Hong Kong. Les retraits d’or physique du SGE – pour lesquels nous disposons des chiffres – donnent un aperçu approximatif la demande : depuis 2008, environ 20 000 tonnes ont été retirées du SGE.

À cela s’ajoute l’or détenu en Chine, sous forme de lingots ou de bijoux, avant 2000. Le World Gold Council estime à 2 500 tonnes la quantité de bijoux détenus par les particuliers. Si l’on ajoute la production minière nationale et les réserves officielles, on obtient un chiffre d’environ 4 000 tonnes.

Nick Laird, peut-être le plus grand spécialiste mondial des données sur l’or, a tout rassemblé pour produire ce graphique, qui montre que l’or cumulé détenu en Chine s’élève à environ 28 911 tonnes. J’ai parlé à de nombreux analystes – Ross Norman, Bron Suchecki et Koos Jansen – et ils arrivent tous à des estimations similaires.

En outre, il y a de l’or qui entre en Chine et qui n’est pas comptabilisé dans les retraits du SGE. Norman souligne que la People’s Bank of China (PBOC), la banque centrale, aime acheter des barres de 12,5 kg. Celles-ci ne sont pas négociées sur le SGE. De plus, la PBOC utilise souvent des dollars sur les bourses de Londres, de Dubaï et de Suisse, alors que la SGE vend son or en yuans. L’armée possède elle aussi de l’or, mais elle ne déclare pas ses achats.

La Chine possède très certainement beaucoup plus d’or que les États-Unis

Quelle part de cet énorme magot appartient à l’État ? 40%, 50%, 60% ? Norman estime qu’il s’agit de 50% ; Suchecki, un ancien de la Perth Mint, parle de 55% (de nombreux organismes d’État, en plus de l’armée et de la banque centrale, achètent de l’or : l’Administration nationale des changes et la China Investment Corporation – le fonds souverain – en font partie).

À 50%, cela signifie que la Chine possède environ 14 500 tonnes. C’est 1,8 fois plus que les États-Unis. Il est possible que seuls 20% ou 30% appartiennent à l’État – la Chine encourage ses citoyens à acheter de l’or depuis 2008 et la SGE a déclaré que seuls les consommateurs achètent de l’or sur sa bourse. Mais cela n’a presque aucune importance.

Cet encouragement à acheter de l’or, comme me l’a rapporté un lecteur résidant en Chine, a « déclenché une frénésie de blanchiment », les citoyens chinois se précipitant pour échanger l’argent liquide qu’ils avaient accumulé. « Dans ma banque locale à Shanghai, en 2009, je me tenais derrière un Chinois qui déchargeait des liasses d’euros, de dollars américains, de dollars de Singapour et de francs suisses en échange de lingots d’or de cinq kilos. »

La propriété d’or est enregistrée, de sorte que le gouvernement sache combien ses citoyens en possèdent. On estime généralement que si Pékin invitait les détenteurs privés d’or à soutenir une initiative monétaire majeure du gouvernement en engageant leur or comme une sorte d’obligation de guerre, cela engendrerait une hausse de 99%.

La grande majorité des Chinois font confiance à leur gouvernement, surtout lorsqu’il s’agit de ramener la Chine au sommet du monde. Cela signifie qu’une quantité considérable d’or supplémentaire pourrait rapidement être mobilisée pour soutenir Pékin dans son initiative.

Les détenteurs d’or chinois ne partagent pas nécessairement la même méfiance à l’égard du gouvernement que les gold bugs occidentaux – le Parti est considéré comme une bonne ménagère pour la nation.

Les perturbations que cela entraînerait signifient qu’il est impossible pour la Chine de déclarer des avoirs officiels aussi importants. Pas encore en tout cas. Le yuan et le prix de l’or connaîtraient une flambée indésirable. Les 3 200 milliards $ de réserves de change du gouvernement seraient dévalués. Déclarer autant d’or serait un défi direct à la suprématie américaine, ce à quoi la Chine n’est pas encore prête. La parité d’abord, la suprématie ensuite.

Pour l’instant, ils suivent le précepte de Deng Xiaoping, à savoir « rester dans l’ombre pour mieux briller le moment venu ». Le président américain Donald Trump a pris les Chinois à contre-pied ; ceci, ainsi que la crise sanitaire du Covid-19, le grand accélérateur, ont peut-être fait avancer les calendriers. Le président chinois Xi Jinping est connu comme « l’homme du destin » et il pourrait vouloir que la grande ascension se produise sous sa direction.

Mais le fait d’adosser sa monnaie, ne serait-ce qu’en partie, à l’or, comme ont coutume de le faire les empires en pleine ascension, donnerait à la Chine une grande crédibilité dans un monde inondé par l’impression monétaire.

L’animation d’un homme vêtu d’une chemise à l’effigie du drapeau américain, assommé par une pièce d’or portant le sceau du yuan numérique, n’est peut-être pas si fantastique. « Celui qui a l’or établit les règles ».

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