La FED ne veut pas désintégrer l’énorme bulle de dette

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La Réserve fédérale américaine a annoncé que le sacro-saint plafond de 2% d’inflation pourrait dorénavant être dépassé. Une petite révolution qui rompt avec plus de 30 ans de politique monétaire américaine. Pour quelles conséquences? Philippe Béchade, président des Éconoclastes, livre son analyse à Sputnik.

Coronavirus oblige, la réunion de Jackson Hole édition 2020 s’est tenue en format virtuel. Cela n’a pas empêché les banquiers centraux américains de prendre le 27 août une décision historique. Jerome Powell, le puissant patron de la Réserve fédérale américaine (FED), a annoncé un changement majeur dans la politique monétaire. Alors que depuis plus de 30 ans, la FED agissait en modulant les taux d’intérêt afin d’éviter une hausse de l’inflation, elle a décidé de modifier la nature de son pilotage.

«La Réserve fédérale vient tout simplement de se procurer une nouvelle excuse pour ne pas durcir sa politique monétaire. La FED ne veut pas désintégrer l’énorme bulle de dette provoquée par le Covid-19. Elle peut laisser l’inflation dériver au-dessus des 2%, sachant que les États-Unis n’ont pas dépassé 1,6% d’inflation depuis des années», analyse au micro de Sputnik Philippe Béchade, président des Éconoclastes.

Concrètement, si l’objectif d’inflation reste à 2% sur le long terme, la FED va s’autoriser à dépasser ce chiffre «pendant un certain temps» et sans augmentation des taux d’intérêt, a expliqué Jerome Powell. Comme le relève l’éditorialiste Jean-Marc Vittori dans Les Échos, «pour la première fois depuis des décennies, une grande Banque centrale pourra ouvertement viser une inflation de plus de 2%, fût-ce pour une durée limitée».

Inflation: la réalité loin de la théorie

Le but affiché? Prioriser l’emploi. D’après le constat de l’institution financière, «il est possible de stimuler l’économie avec des taux d’intérêt bas sans que l’inflation ne reparte forcément à la hausse», expliquent Les Échos. Et de fait, la décision de la FED acte que les taux bas auront encore cours pour longtemps. Après une période qui les aura vu remonter successivement pendant plusieurs mois en 2018, le choc économique causé par le Covid-19 a poussé les responsables de la FED à les baisser à nouveau. Actuellement, les taux directeurs oscillent dans une fourchette allant de 0% à 0,25%.

Pour autant, Philippe Béchade estime que la stratégie de la FED manque de clarté:

«Sur quelles bases va s’appuyer la FED pour naviguer, niveau inflation? Est-ce qu’à 2,5% elle va se dire qu’un tel score va affoler les marchés et qu’il est nécessaire d’agir pour la baisser? Est-ce qu’elle va laisser l’inflation osciller entre 0 et 4%? Ou entre 1 et 3%? Nous n’en savons rien. Ce que l’on a compris, c’est que la FED va dans la direction des marchés en prolongeant ses taux zéro.»

Si l’on en croit la théorie économique classique, les taux bas sont censés favoriser le crédit et l’emprunt, et par voie de conséquence l’injection d’argent dans l’économie. Un contexte favorable à l’emploi. Mais le revers de la médaille se situe justement dans ce surplus d’argent en circulation, qui est susceptible de faire augmenter les prix et donc de baisser le pouvoir d’achat.

«Nous sommes conscients que les prix plus élevés de produits essentiels comme la nourriture, l’essence ou le logement s’ajoutent aux fardeaux que doivent déjà supporter certaines familles, en particulier les plus pauvres. Mais une inflation trop basse sur le long terme peut poser de sérieux problèmes à l’économie», a expliqué Jerome Powell. En effet, la consommation reste morose et les Etats-Unis sont en récession.

D’autant plus qu’actuellement, la théorie ne rejoint pas vraiment la pratique. Malgré des taux bas et une planche à billets qui tourne à plein régime et qui a fait passer le bilan de la FED de plus 7.000 milliards de dollars en juin contre moins de 3.500 en mars, l’inflation ne galope pas. En juillet, l’indice des prix à la consommation n’a progressé que de 1% aux États-Unis. «Notre décision reflète notre conviction qu’un solide marché du travail peut être soutenu sans faire exploser l’inflation», a martelé Jerome Powell.

Les marchés flambent, pas le panier de la ménagère

Comment expliquer que dans le contexte économique actuel, l’inflation ne soit pas plus importante? Pour Philippe Béchade, l’explication est claire: «Il faut comprendre qu’environ 80% de la masse monétaire créée par la Banque centrale alimente les marchés et de ce fait une gigantesque bulle. Il n’y a pas d’inflation constatée dans le panier de la ménagère, même s’il l’on sait très bien que le mode de calcul et totalement biaisé et ne correspond pas à la réalité de l’inflation, et ce depuis au moins 20 ans.»

«L’hyperinflation est sur les marchés. Le Nasdaq a augmenté de plus de 50% depuis le mois de mars! On se rapproche de quelque chose qui ressemble au Bitcoin ou au Zimbabwe!», poursuit-il.

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