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Le Tribunal constitutionnel allemand a décidé une nouvelle fois de rentrer en conflit avec la Cour de justice de l’Union européenne. Cette guerre des légitimités remet sérieusement en question l’avenir de l’Union européenne, estime l’essayiste Coralie Delaume. D’autant plus, que le leadership allemand en Europe apparaît de plus en plus défaillant.
Coralie Delaume est essayiste. Elle a notamment écrit Le couple franco-allemand n’existe pas (Michalon, 2018) et 10+1 Questions sur l’Union européenne (Michalon, 2019). Elle anime également, depuis 2011, le blog L’Arène nue.
Le Tribunal constitutionnel allemand a rendu le 5 mai un arrêt qui la fait entrer en conflit avec l’Union européenne. Ce conflit était-il inévitable?
Coralie DELAUME.- Je ne vais pas revenir en détail sur le contenu de l’arrêt car cela a fait l’objet de nombreux articles. Ce qu’on peut dire en revanche, c’est que l’arrêt du 5 mai du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe a une double conséquence potentielle: juridique et économique.
Sur le plan juridique tout d’abord, dans la mesure où la Cour allemande se dresse contre la Cour de justice de l’Union, qui avait jugé légal, en 2018, le «quantitative easing» de la Banque centrale européenne, l’arrêt pose la question de la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux. Le principe de primauté est ancien, il a été posé par la Cour de justice de l’UE dans un célèbre arrêt de 1964, Costa c/Enel. Sans doute les États membres ne se rendaient-ils pas compte à l’époque de la portée de cette jurisprudence car aucun n’a protesté. Mais cette portée est immense.
La CJUE écrit notamment qu’«à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité CEE a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres». Elle énonce ensuite que l’engagement européen des États entraîne pour eux «une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur». En somme, la Cour sort le droit communautaire de la catégorie «droit international» et invente un ordre juridique nouveau, intégré aux ordres juridiques nationaux. Elle le place au sommet de leur hiérarchie des normes et affirme qu’aucun acte de droit interne – même ultérieur – ne doit le contredire. Ce faisant, elle fait du droit communautaire une sorte de droit «quasi constitutionnel». Les juristes parlent d’ailleurs de «constitutionalisation des traités européens».
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