C’est une réforme historique que Cuba s’apprête à mener. Fin de la double monnaie, dévaluation de la devise nationale, suppression progressive des subventions, hausse substantielle des salaires. Des mesures visant à actualiser l’économie du pays.
La page du système de double monnaie en vigueur depuis 1994 se tourne sur l’île socialiste latino-américaine. Cuba entamera son processus d’unification monétaire et officialisera au 1er janvier 2021 la sortie de circulation du peso convertible (CUC), ce qui fera du peso cubain (CUP) la seule monnaie officielle du pays, avec un taux de conversion officiel de 24 pesos par dollar. Le CUC, qui s’échangeait à un contre un avec le dollar, créant une situation unique de dollarisation partielle, va donc disparaître.
La mise à jour de notre modèle économique et social sur la base de la garantie à tous les Cubains de la plus grande égalité de droits et de chances
L’annonce a été faite le 10 décembre à la télévision publique par le président du pays, Miguel Diaz-Canel, accompagné de l’ancien président et dirigeant du Parti communiste, Raul Castro, mettant fin à plusieurs mois de spéculation dans le pays quant à cette échéance. «Nous réaffirmons l’importance de cette tâche qui mettra le pays dans de meilleures conditions pour mener à bien les transformations requises par la mise à jour de notre modèle économique et social sur la base de la garantie à tous les Cubains de la plus grande égalité de droits et de chances», a déclaré Miguel Diaz-Canel à cette occasion.
Il a reconnu en outre qu’il s’agissait là d’«une des tâches les plus complexes» que doit affronter le pays, déjà affecté par «les effets du renforcement de l’embargo [américain], la situation de la pandémie de Covid-19, la crise économique internationale et les impacts provoqués sur notre économie».
Cette mesure destinée à rendre l’économie cubaine plus lisible pour les investisseurs étrangers vise à sortir de la multiplicité des taux de change qui pouvait brouiller ou fausser la comptabilité des entreprises publiques durant 26 ans. Le CUP et le CUC étaient en effet indifféremment inscrits dans les livres de comptes, rendant difficile, entre autres, la lecture et la détermination de l’état réel de l’économie cubaine.
Alors que cette mesure semblait imminente depuis octobre, la spéculation s’est accrue et a poussé de nombreux Cubains à se rendre dans les banques et les bureaux de change pour se débarrasser du CUC. L’annonce d’un taux unique de 24 pesos cubains par dollar a ensuite rassuré sur les prévisions d’une grave dévaluation officielle de la monnaie nationale, un problème qui inquiétait la population car elle craignait que ses économies en CUP perdent de leur valeur.
«La tâche n’est pas sans risques»
La réforme n’en demeure pas moins majeure et risquée. Le gouvernement cubain a d’ores et déjà annoncé qu’elle s’accompagnerait d’une réforme des salaires, des retraites et d’un retrait de subventions. Les prix centralisés seront néanmoins maintenus pour un nombre réduit de produits et services de base, y compris le carburant, l’électricité ou le lait infantile.
L’un des principaux [risques] est que l’inflation soit plus élevée que prévu, en raison du déficit de l’offre
Dans son discours, Diaz-Canel a tenu à souligner que la fin de la double monnaie ne serait pas «la solution magique à tous les problèmes» de l’économie, mais «permettr[ait] une avancée plus solide», dans un contexte marqué par la crise économique internationale, le Covid-19 et les effets de l’embargo, nommé «blocus» à Cuba, imposé par les Etats-Unis depuis des décennies.
«La tâche n’est pas sans risques», a prévenu le président cubain. «L’un des principaux est que l’inflation soit plus élevée que prévu, en raison du déficit de l’offre», a-t-il ajouté, précisant : «Les prix abusifs et spéculatifs ne seront pas autorisés. Ils devront affronter socialement des mesures d’endiguement et des sanctions sévères pour les non-conformistes.» Les pénuries et l’incertitude ces derniers mois concernant la réforme ont en effet déclenché une hausse des prix sur le marché noir à Cuba.