Sauf que Keynes n’a jamais dit que l’or était une relique barbare.

Ce qu’il a dit était plus intéressant. Dans son livre de 1924 intitulé Monetary Reform (La Réforme monétaire), Keynes écrit en effet que “l’étalon-or est déjà une relique barbare”.

Keynes ne parlait pas de l’or, mais de l’étalon-or. Il ne semble pas y avoir de différence, mais il y en a une. Et dans le contexte de 1924, il avait raison.

L’étalon-or classique a pris fin en 1914 avec le début de la Première Guerre mondiale. Afin de financer la guerre, les pays combattants ont imprimé d’énormes quantités de monnaie.

Après la guerre, nombreux étaient ceux qui voulaient revenir à l’étalon-or d’avant-guerre. En 1925, par exemple, Winston Churchill, chancelier de l’Échiquier britannique, a voulu revenir à l’ancien prix de l’or, sans tenir compte du fait que l’impression monétaire en temps de guerre exigeait un prix de l’or beaucoup plus élevé. Il a en fait surévalué la livre.

Keynes avait dit à Churchill que cela allait être un désastre déflationniste. Pour revenir à l’étalon-or, il aurait fallu fixer le prix de l’or à un niveau plus élevé. Mais Churchill a ignoré son conseil.

Il en a résulté une déflation et une dépression massives en Grande-Bretagne, des années avant que la dépression ne frappe le reste du monde.

L’étalon-or, réputé défaillant, qui a prévalu jusqu’en 1939 n’aurait jamais dû être adopté, et aurait dû être aboli avant que la Seconde Guerre mondiale ne s’en charge.

De nos jours, il n’y a pas une seule banque centrale dans le monde qui souhaite revenir à l’étalon-or. Mais la question n’est pas là. La question est plutôt de savoir si elles seront contraintes de le faire.

Je me suis entretenu avec plusieurs présidents de la Fed. Lorsque je leur ai demandé de but en blanc : “Y a-t-il une limite théorique au bilan de la Fed ?”, ils ont répondu : “non”. Ils disent qu’il existe des raisons politiques pour le faire augmenter ou le réduire, mais il n’y aucune limite à la quantité d’argent que l’on peut imprimer.

C’est totalement inacceptable. C’est ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent et la façon dont ils agissent. Mais dans leur for intérieur, certaines personnes, à la Fed, savent que c’est anormal. Heureusement, certaines d’entre elles peuvent manifester leur désaccord en claquant la porte…

Je dis toujours à ceux qui affirment que nous n’avons pas d’étalon-or que, d’une certaine façon, nous en avons un. Vous pouvez instaurer votre propre étalon-or, simplement en achetant de l’or. Autrement dit, si vous pensez que la valeur de la monnaie papier est menacée, ou que la confiance envers la monnaie papier s’effrite, l’une des façons de se protéger consiste à acheter de l’or. Et personne ne pourra vous en empêcher.

La réplique classique est : “à quoi bon détenir de l’or ? Pour qu’ils le confisquent, comme Roosevelt en 1933 ?” Je pense que c’est peu probable.

En 1933, nous sortions tout juste de quatre années de Grande Dépression et Roosevelt venait d’être élu. Les gens parlent des cent premiers jours de son mandat, mais il a fermé les banques tout de suite après avoir prêté serment. Il a confisqué l’or à peine quelques semaines plus tard.

Elliot Ness n’a pas fait du porte-à-porte, en s’introduisant de force dans chaque foyer, pour récupérer l’or. Ils voulaient mettre la main sur un petit nombre de personnes qui détenaient des lingots de 400 onces dans des coffres-forts bancaires. Ils ont réussi à mettre la main sur ces personnes en fermant les banques et en s’en servant comme intermédiaires pour confisquer l’or.

Mais à présent, l’or est beaucoup plus dispersé, et l’on fait nettement moins confiance dans les gouvernements.

De nos jours, si le gouvernement tentait de confisquer l’or, il rencontrerait diverses formes de résistance. Le gouvernement le sait parfaitement. Une telle mesure serait inapplicable et pourrait provoquer des actes de désobéissance civile ou de résistance.

Tant que vous détenez l’or, vous pouvez instaurer votre propre étalon-or en convertissant de la monnaie papier en or. Je vous recommande de le faire.

Il ne faut pas tout investir, mais je recommande d’allouer 10% de son portefeuille à l’or, pour les plus prudents, et 20% si vous êtes plus téméraire.

Ce sont des allocations assez élevées étant donné que la plupart des gens n’ont pas d’or.

Si la demande augmente subitement, il n’y aura pas assez d’or dans le monde, aux prix actuels, pour satisfaire cette demande. Il faudrait que le prix de l’or augmente considérablement pour refléter la demande.

Si certains scénarios se matérialisent, nous assisterons à une augmentation spectaculaire du prix de l’or. Cela pourrait se produire dans un laps de temps très court. Il ne faut pas s’attendre à une augmentation régulière et progressive. L’or pourrait se déplacer latéralement, n’allant nulle part pendant un certain temps. Puis il y aura un pic, puis un autre pic, et enfin un super pic. Tout cela pourrait se produire en l’espace de quelques mois seulement.

À ce moment-là, l’or jouera un rôle central. En fin de compte, je m’attends à ce que l’or atteigne 10 000 à 15 000 $ l’once ou plus. Ce n’est pas une invention. Ce n’est pas une provocation. C’est mathématique. Ce sont tout simplement les chiffres que vous obtenez en divisant la masse monétaire par la quantité d’or disponible sur le marché.

Lorsque le super-pic aura lieu, il y aura deux Amériques. Il y aura une Amérique qui n’était pas préparée. L’épargne en monnaie papier sera anéantie, les plans 401(k) (système d’épargne retraite par capitalisation très utilisé aux États-Unis)seront dévalués, les retraites, les assurances et les échéances seront elles aussi dévaluées sous l’effet de l’inflation. En effet, ce n’est pas seulement le prix de l’or qui va augmenter, c’est le dollar lui-même qui va chuter. L’or n’est qu’un indicateur.

C’est comme prendre la température d’un patient qui a de la fièvre et accuser le thermomètre lorsqu’il affiche 40°. Le thermomètre n’est pas la cause de la fièvre, il ne fait qu’indiquer ce qu’il se passe.

De même, le prix de l’or n’est pas un objet ou un but économique en soi. C’est un signal de prix. Il reflète ce qui se produit au sein de l’économie. Des prix de l’or tels qu’évoqués plus haut signifieraient que nous sommes sur le point d’entrer en hyperinflation, ou du moins quelque chose de très proche, car rien ne se produit de façon isolée.

Cela semble peu probable aujourd’hui, mais une fois que les attentes se déplacent vers l’inflation, cela peut prendre une tournure dramatique. La théorie monétaire moderne (MMT), par exemple, est maintenant très répandue dans les milieux démocrates. La MMT est essentiellement une recette pour imprimer massivement de la monnaie. Si jamais elles est adoptée, les attentes pourraient se déplacer de façon spectaculaire vers l’inflation.

Pourtant, les banques centrales ne reviendront jamais volontairement à l’étalon-or. Mais si l’or est une relique à ce point barbare, si celui-ci n’a aucun rôle dans le système monétaire et s’il s’agit d’un investissement “stupide”, alors pourquoi les Russes et les Chinois accumulent-ils de l’or à une rythme effréné ? Sont-ils stupides ?

J’ai parlé avec beaucoup d’entre eux et je peux vous assurer qu’ils ne sont pas stupides.

En cas de ruée sur les monnaies papier (ce qui est tout à fait possible) ou une hyperinflation (également possible), les banques centrales pourraient être amenées à opter pour un étalon-or. Non pas parce qu’elles le veulent, mais parce qu’elles jugeront nécessaire de calmer les marchés.

Je vous suggère d’acheter de l’or aux prix actuels, soit environ 1 900 $, et de surfer sur la vague jusqu’à des niveaux beaucoup plus élevés. Cela vous permettra de préserver votre patrimoine à long terme.

Comme c’est le cas pour tous les marchés, le prix de l’or est susceptible de fluctuer. Rien ne monte en ligne droite. Mais il convient de se concentrer sur le long terme. Et l’avenir semble radieux pour l’or.

Je vous invite donc à établir votre propre étalon-or. Un jour, le reste du monde se joindra peut-être à vous.