Face à la Chine, l’administration Biden ne changera pas fondamentalement


L’administration Joe Biden soulagera-t-elle la pression sur la Chine, avec moins d’antagonisme ? Bien que la rhétorique puisse être adoucie, l’idée maîtresse de la politique américaine, qui est d’empêcher Pékin d’atteindre un jour la parité internationale avec Washington, ne changera probablement pas.

CC Image officielle de l’US Navy

Il est devenu courant pour les journalistes et les politiciens de parler d’une nouvelle Guerre froide entre les États-Unis et la Chine, en comparant le refroidissement actuel des relations sino-américaines à l’hostilité qui a longtemps prévalu entre les États-Unis et l’Union soviétique.

Mais ce serait une erreur de considérer la situation actuelle comme une réplique de cette époque antérieure, lorsque les puissances occidentales cherchaient à contenir la puissance soviétique par une inflexible stratégie d’encerclement. Plutôt que de simplement contenir la puissance chinoise, les dirigeants américains actuels cherchent à repousser Pékin, l’obligeant à abandonner les gains géopolitiques qu’elle a réalisés au cours des dernières décennies.

Cette volonté de contrer la Chine reflète un changement fondamental de la pensée de l’élite américaine concernant le rôle de la Chine dans les affaires mondiales. Pendant de nombreuses années, les dirigeants américains ont cru que l’accession de la Chine au statut de grande puissance pouvait être gérée d’une manière qui ne nuise pas aux intérêts fondamentaux des États-Unis. On supposait que la Chine, à mesure qu’elle gagnerait en richesse et en puissance, choisirait de s’intégrer dans un ordre mondial dominé par les États-Unis, ce qui permettrait à Washington de garder le contrôle des principaux leviers de puissance.

Que cette hypothèse ait été correcte ou non au départ, les principaux dirigeants – tant démocrates que républicains – ne croient plus que Pékin adhérera à un système mondial dominé par les États-Unis et sont déterminés à empêcher la Chine d’atteindre un jour la parité avec les États-Unis dans la puissance géopolitique mondiale. Les hauts fonctionnaires pensent également que la Chine a profité de la participation coûteuse et futile des États-Unis aux guerres en Irak et en Afghanistan pour s’assurer des gains géopolitiques importants en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique – gains que Washington cherche maintenant à annuler.

La nouvelle position agressive de Washington envers la Chine se situe à plusieurs niveaux – rhétorique, militaire, diplomatique et économique : un des principaux instigateurs de tout cela est le secrétaire d’État Mike Pompeo qui a fait plusieurs déclarations très belliqueuses sur les relations entre les États-Unis et la Chine.

Dans la plus incendiaire de ces déclarations, faite à la bibliothèque présidentielle de Richard Nixon le 23 juillet, Pompeo a catégoriquement rejeté tout compromis avec une Chine qui monte en puissance et a appelé à une vaste campagne pour contrer ses avancées en Asie et au-delà.

« Nous imaginions que l’engagement avec la Chine produirait un avenir avec de brillantes promesses de courtoisie et de coopération, a-t-il déclaré ; mais maintenant, nous devons admettre une dure vérité… qui est que si nous voulons avoir un XXIe siècle libre, et non le siècle chinois dont Xi Jinping rêve, l’ancien paradigme de l’engagement aveugle avec la Chine ne fonctionnera tout simplement pas. Nous ne devons pas le poursuivre et nous ne devons pas y revenir. »

« Nous imaginions que l’engagement avec la Chine produirait un avenir avec de brillantes promesses de courtoisie et de coopération, a-t-il déclaré ; mais maintenant, nous devons admettre une dure vérité… qui est que si nous voulons avoir un XXIe siècle libre, et non le siècle chinois dont Xi Jinping rêve, l’ancien paradigme de l’engagement aveugle avec la Chine ne fonctionnera tout simplement pas. Nous ne devons pas le poursuivre et nous ne devons pas y revenir.»

Mike Pompeo

Au lieu de cela, Pompeo a déclaré que les États-Unis et leurs alliés occidentaux doivent faire pression sur la Chine à tous les niveaux : « Nous, les nations du monde qui aimons la liberté, devons amener la Chine à changer. » Cela signifie, entre autres, qu’il faut cesser les liens économiques normaux avec la Chine et condidérer tout commerce avec ce pays comme une menace potentielle pour la sécurité occidentale.

Cela signifie également qu’il faut considérer tous les étudiants et scientifiques chinois qui étudient ou travaillent à l’étranger comme des espions potentiels, et punir ceux qui travaillent pour les agences gouvernementales chinoises. Sur le plan militaire, cela signifie arrêter de « tendre l’autre joue » (comme il l’a dit) comme nous l’avons fait pendant des années en mer de Chine méridionale et résister à l’intimidation de ses voisins par les Chinois.

Et, dans une note particulièrement effrayante, il a implicitement appelé le peuple chinois à évincer les dirigeants actuels. « Notre approche ne peut pas se contenter d’être dure, a-t-il déclaré. Nous devons également engager et responsabiliser le peuple chinois – un peuple dynamique, épris de liberté et totalement distinct du Parti communiste chinois. »

L’armée américaine prête à agir

Sur le front militaire, les dirigeants américains cherchent à inverser ce qu’ils considèrent comme une expansion de la puissance chinoise du continent vers les eaux qui l’entourent, en particulier les mers de Chine orientale et méridionale. Aucune question n’a autant préoccupé les stratèges américains que la présence militaire de la Chine en mer de Chine méridionale, une voie de passage majeure pour le transport maritime international et une source potentielle de pétrole et de gaz naturel.

La Chine y a longtemps stationné des forces navales et, ces dernières années, elle y a installé des installations militaires sur plusieurs îles. Washington a exprimé à plusieurs reprises son opposition à ces mesures, mais jusqu’à récemment, il s’appuyait sur des moyens diplomatiques plutôt que militaires pour modifier la situation ; mais maintenant, conformément à la position plus dure préconisée par Pompeo, l’armée américaine se prépare à éliminer la présence chinoise par la force.

Les tensions dans la mer de Chine méridionale sont dues à un conflit fondamental sur la propriété des installations maritimes qui s’y trouvent. Dès 1946, sous le régime nationaliste de Chang Kai-shek, la Chine a revendiqué la souveraineté sur presque toute la surface maritime ainsi que sur les petits récifs et les îles qui s’y trouvent. Cependant, avec la ratification de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer (CNUDM) en 1982, d’autres États côtiers – Brunei, Indonésie, Malaisie, Vietnam et Philippines – ont revendiqué des zones économiques exclusives s’étendant bien au-delà de la zone revendiquée par Pékin.

Cela a conduit, à l’occasion, à de petits affrontements entre des canonnières chinoises et des navires appartenant à ces autres pays. En réponse, les Philippines ont cherché à authentifier leurs revendications conformément aux dispositions juridiques de la CNUDM, et en juillet 2016, un tribunal arbitral de La Haye a décidé que les revendications de la Chine sur l’ensemble de la région n’avaient aucun fondement juridique et que les revendications des EEZ des autres États étaient valables. La Chine a toutefois rejeté cette décision et a continué à harceler les bateaux de pêche et les plateformes de forage appartenant aux autres pays.

Du point de vue américain, la question des revendications concurrentes sur la mer de Chine méridionale devait être réglée par les pays concernés eux-mêmes. Mais lorsque la Chine a commencé à agrandir certaines des îles qu’elle revendiquait dans la région et à y installer des installations militaires, Washington a perçu une menace directe pour ses intérêts stratégiques.

Alors que les navires et les avions américains qui traversaient la région étaient autrefois largement protégés contre les attaques des forces hostiles, ils risquaient maintenant d’être interceptés par des missiles antiaériens et des navires chinois – une situation jugée intolérable par les officiers supérieurs américains. « La Chine a fondamentalement modifié le paysage physique et politique de la mer de Chine méridionale en procédant à la récupération des terres à grande échelle et en militarisant les zones récupérées », a déclaré l’amiral Harry B Harris Jr, commandant de l’US Pacific Command, en avril 2017.

Bien qu’ils ne l’aient jamais dit en public, les dirigeants militaires américains n’ont jamais accepté que la militarisation de ces îles par la Chine soit irréversible ; au contraire, ils ont longtemps imaginé des scénarios dans lesquels le processus pourrait être inversé. Jusqu’à récemment, cependant, les principaux dirigeants de la nation s’opposaient à une telle démarche, préférant la pression diplomatique – ce que Pompeo a appelé « tendre l’autre joue. »

Mais maintenant, avec le changement de politique au sommet, les forces américaines ont quasiment reçu carte blanche pour contrer les évolutions militaires de la Chine en mer de Chine méridionale. Le 13 juillet, dans un mémorandum officiel du Département d’État, Pompeo a déclaré que les revendications de la Chine sur la mer de Chine méridionale étaient « totalement illégales ». Les États-Unis, a-t-il déclaré, « sont aux côtés de nos alliés et partenaires d’Asie du Sud-Est pour protéger leurs droits souverains sur les ressources offshore et s’opposeront à toute tentative d’utiliser la coercition ou la force pour régler les différends. »

Cela suggère au moins que Washington est prêt à employer la force pour chasser tous les navires de guerre chinois dont on dit qu’ils interfèrent avec les activités légitimes de ces alliés et partenaires lorsqu’ils opèrent dans leurs EEZ.

Dans un premier test de telles manœuvres, ce printemps, le Pentagone a envoyé à deux reprises deux navires de guerre de la marine dans des eaux revendiquées par la Malaisie pour repousser des navires chinois qui auraient harcelé un navire d’entraînement malaisien lors d’attaques simulées sur des bases chinoises proches. Avec une indication encore plus inquiétante des intentions américaines, 350 parachutistes de la 25e division d’infanterie de l’armée de Terre ont été transportés par avion de leur base d’origine en Alaska à Guam le 1er juillet pour tester leur capacité à saisir une base aérienne ennemie dans le Pacifique.

Il semblerait donc que ce ne soit qu’une question de temps avant que les autorités américaines trouvent un prétexte pour engager les forces navales chinoises dans la mer de Chine méridionale et lancer une opération de grande envergure pour démolir les installations militaires chinoises sur ces îles contestées. Après tout, si vous n’êtes plus disposé à tendre l’autre joue, la seule option est la force violente.

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