La BCE paie désormais les banques européennes pour prêter à l’économie

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Un programme de prêts à long terme de la Banque centrale européenne vient de battre un record: les établissements bancaires de la zone euro ont emprunté 1.300 milliards d’euros. Ils pourront bénéficier de taux pouvant aller jusqu’à… -1%. Philippe Béchade, président des Éconoclastes, livre son analyse de la situation à Sputnik France.

Les records tombent! De nombreuses Banques centrales à travers la planète ont dégainé le bazooka monétaire pour faire face à la crise économique causée par la pandémie de coronavirus. La Banque centrale européenne (BCE) ne fait pas exception. Fin avril, Christine Lagarde, sa présidente, annonçait que l’institution qu’elle dirige était «prête à tout». Il faut dire que l’institut basé à Francfort s’attend cette année à une récession historique en zone euro: -8,7%.

​Pour y faire face, elle s’est dotée d’un plan de rachat d’obligations, initialement prévu à 750 milliards d’euros. Devant la violence de la crise, elle a gonflé l’ardoise de 600 milliards. De plus, début juin, la BCE annonçait maintenir son taux marginal de facilités de prêt à -0,25% et son taux de dépôt à -0,5%. Et ces derniers resteront «à leur niveau actuel ou plus bas jusqu’à ce que l’inflation converge durablement à niveau suffisant, proche, mais sous les 2%».

«À quoi va servir l’argent?»

Une orgie de liquidité qui s’est confirmée avec l’annonce le 18 juin du succès historique du TLTRO (Targeted Long Term Refinancing Operation) de la BCE. Ce programme, que l’on pourrait traduire par «opération de refinancement ciblée à long terme», a permis, selon les informations des Échos, à 742 banques d’obtenir la bagatelle de 1.300 milliards d’euros. Tout simplement du jamais vu.

«C’est la plus grosse opération de refinancement de l’histoire de la BCE, deux fois et demie plus importante que le précédent record de mars 2012», note Frederik Ducrozet de chez Pictet Wealth Management, cité par Les Échos.

Lancés à partir de septembre 2014, les programmes TLTRO de la BCE sont destinés à fournir de la liquidité aux banques afin que ces dernières financent l’économie. Leur but est de «stimuler l’octroi de crédits aux acteurs économiques (prêts aux ménages hors prêts immobiliers et prêts aux entreprises non financières)», explique la Banque de France.

«La question principale est la suivante: à quoi va servir cet argent? Est-il réellement destiné à soutenir des projets d’entreprises et l’économie réelle? Ou va-t-il de nouveau permettre aux banques d’accorder à leurs clients qui spéculent sur les marchés financiers la possibilité de prendre des positions à effet de levier, le tout avec des garanties plus étendues», s’interroge au micro de Sputnik France Philippe Béchade, président des Éconoclastes. Et de poursuivre son raisonnement:

«Où va atterrir l’argent? Vous pouvez mettre 2.000 milliards sur la table, si cela est destiné aux marchés financiers, le serpent se mordra la queue et tout ceci n’aura aucun impact sur l’économie réelle.»

«Sur le montant total obtenu jeudi par les banques, une partie sera affectée au refinancement de TLTRO précédents. Mais plus de 40%– 548,5 milliards d’euros– constituent de “l’argent frais” qui viendra augmenter la capacité de prêt des banques européennes. Les sommes obtenues permettront aussi de soutenir les taux d’emprunt des pays du sud de l’Europe», expliquent Les Échos.

Un risque d’hyperinflation?

Plus que la somme colossale, c’est le taux appliqué qui rend l’affaire historique. Les banques ont pu emprunter à un taux négatif: -1%. Vous avez bien lu. La Banque centrale européenne paie les banques du Vieux Continent afin que ces dernières continuent de prêter à l’économie. Le but? Éviter le fameux «credit crunch», comme cela avait été le cas au plus fort de la crise de 2008. À l’époque, les banques avaient coupé les vannes du crédit et ainsi fortement perturbé le fonctionnement de l’économie.

«La BCE a décidé d’offrir 100 points de base à l’emprunteur. Sur 1.300 milliards d’euros de prêts, cela représente donc 13 milliards de cadeaux aux bénéficiaires, c’est-à-dire les banques européennes», note Philippe Béchade.

L’affaire est plus que belle pour ces dernières, soulignent Les Échos: «Plusieurs établissements pourraient choisir d’investir en partie ces fonds à -1% dans des obligations d’État qui offrent un rendement positif, et gagner ainsi sur les deux tableaux. Le taux des obligations italiennes à 2 ans a d’ailleurs brièvement atteint son plus bas niveau depuis mars en anticipation de ces nouvelles demandes.»


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