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La décision de la Cour constitutionnelle fédérale sur les achats d’obligations d’État de la Banque centrale européenne (BCE) a suscité une nouvelle controverse sur l’indépendance, le mandat et le pouvoir de la BCE. La BCE a signalé à de nombreuses reprises qu’elle n’est obligée que devant la Cour de justice européenne (CJUE) et non devant la Cour constitutionnelle fédérale.
Le litige est pour l’instant le point culminant sur la question du modèle de banque centrale de l’Union monétaire européenne, qui a en fait trouvé sa réponse dans le traité de Maastricht, dont la Bundesbank a fourni le schéma directeur.
La Bundesbank était politiquement indépendante et engagée dans l’objectif de la stabilité des prix. Elle a mené une politique cohérente de stabilité à moyen terme. En conséquence, l’inflation en Allemagne était faible et la monnaie forte. En revanche, en France, en Italie et dans de nombreux autres pays d’Europe du Sud, les banques centrales étaient subordonnées aux ministères des finances. Les changements de taux d’intérêt ont été décidés politiquement et les banques centrales ont dû mettre en œuvre ces décisions. En conséquence, les taux d’inflation ont été élevés et les devises se sont dépréciées par rapport au mark allemand.
Avec la création de l’Union monétaire européenne dans le traité de Maastricht (1992), des principes importants et éprouvés basés sur le modèle de la Bundesbank ont été mis en œuvre. Il s’agit notamment de l’indépendance de la BCE et des banques centrales nationales et du mandat étroit de maintien de la stabilité des prix comme objectif principal. Le degré d’indépendance de la BCE par rapport à l’influence politique dépasse même celui de l’ancienne Bundesbank et est inscrit dans le droit international.
En outre, des limites ont été fixées pour les déficits et la dette des budgets publics. Dans le cadre des règles européennes, les politiques fiscales restent de la responsabilité des États membres. D’autres éléments constitutifs étaient l’interdiction du financement public monétaire (art. 123 TFUE) et l’exclusion de la responsabilité de l’Union européenne et des Länder pour les responsabilités des différents États membres dans la clause de non-assistance (art. 125 TFUE).
La politique économique est restée en grande partie une responsabilité nationale, dans la mesure où la compétence prévue aux articles 3 et 4 du TFUE n’a pas été explicitement transférée, en tout ou en partie, à l’Union européenne. L’indépendance de la Banque centrale européenne est donc limitée exclusivement au mandat de stabilité des prix. Ce statut ne s’applique ni au contrôle bancaire, ni au rôle de la BCE dans la garantie de la stabilité financière, ni aux autres domaines de la politique économique.
Ni la BCE ni la CJUE ne sont au-dessus du droit national dans tous les domaines de la politique économique. Lorsque des institutions européennes comme la BCE dépassent leur pouvoir de façonner la politique économique par le biais de l’auto-habilitation, elles violent les exigences légales (ultra vires), comme l’a encore souligné la Cour constitutionnelle fédérale.
La stratégie de politique monétaire à deux piliers de la BCE, élaborée en 1998, comprenait également des éléments centraux de l’approche de la Bundesbank. La définition de la stabilité des prix et l’orientation de la politique à moyen terme étaient basées sur l’objectif implicite de la Bundesbank d’un taux d’inflation de deux pour cent. L’analyse monétaire s’est vu accorder une importance capitale.
À juste titre, la Bundesbank a considéré la recherche de la stabilité des prix comme un art plutôt que comme une science exacte où le jugement prime toujours sur la technique économique. En raison de l’hétérogénéité de la nouvelle zone monétaire, l’objectif de la masse monétaire n’a pas été entièrement transféré à la BCE et complété par l’analyse économique. Les conclusions en matière de politique monétaire ont été tirées des deux analyses des risques d’inflation à court et à moyen terme dans le cadre d’un « recoupement ».
La révision de la stratégie en 2003 n’a pas initialement entraîné de changements fondamentaux dans la pratique. La définition de la stabilité des prix comme un taux d’inflation inférieur à deux pour cent a été confirmée. Toutefois, il a été ajouté que l’objectif à moyen terme devrait être un taux d’inflation inférieur à, mais proche de, deux pour cent. La valeur de référence pour la variation annuelle de M3 a été abandonnée et, conformément à l’orientation temporelle des deux piliers, l’analyse économique à court terme a pris la première place et l’analyse monétaire la seconde.
Contrairement à ce qu’avait compris le conseil des gouverneurs en 2003, le résultat de la révision de la stratégie a été réinterprété par la suite comme un changement de stratégie vers un objectif d’inflation à court terme. La déclaration d’intention de viser un taux d’inflation inférieur mais proche de 2 % à moyen terme est devenue un objectif ponctuel à court terme de 1,9 %. La BCE a donc procédé à un changement de paradigme. La « stratégie à deux piliers » ne joue plus qu’un rôle formel.
Comme dans le ciblage de l’inflation, l’écart du PIB par rapport à la tendance à long terme est un objectif intermédiaire pour le contrôle de l’inflation, la gestion économique à court terme est devenue un objectif intermédiaire de la politique monétaire par des moyens détournés. Depuis lors, la BCE est intervenue directement dans les politiques économiques nationales.
Les moments de choc comme les crises financières rendent possibles des changements majeurs. Après que les fortes réductions de taux d’intérêt opérées par la BCE en réponse à l’éclatement de la bulle Internet au début du siècle aient favorisé les bulles immobilières, la hausse rapide des dépenses publiques et la consommation excessive dans certains États du sud de l’euro et en Irlande, le déclenchement de la crise financière et de la dette européenne en 2010 a ouvert la voie aux achats directs d’obligations d’État. Jusqu’alors, la politique monétaire de la BCE était basée sur des opérations de refinancement dans lesquelles la BCE ne détenait que des titres mis en pension par des banques commerciales pendant une période limitée.
En mai 2010, la majorité du Conseil des gouverneurs de la BCE a cédé aux pressions des dirigeants européens pour participer au sauvetage de la Grèce avec le nouveau programme des marchés des valeurs mobilières (SMP). Le tabou de l’interdiction des finances publiques monétaires a ainsi été brisé et l’indépendance de la BCE par rapport à l’influence politique a été mise à mal.
Avec sa devise « Whatever it takes » et l’annonce d’un nouveau programme d’achat, le président de la BCE, Mario Draghi, a contenu des primes de risque très divergentes sur les obligations des pays du sud de l’euro au plus fort de la crise de la dette souveraine européenne en juillet 2012. Le SMP a été suivi en septembre 2012 par le Programme de transactions monétaires directes (OMT), une « promesse de sauvetage » conditionnée de la BCE aux pays ayant des problèmes avec l’euro.
Bien que le programme n’ait pas encore été activé, la BCE, en tant que « prêteur en dernier ressort » potentiel, n’a donc pas seulement assumé la garantie de solvabilité explicite et risquée pour les États de la zone euro. Elle a également pénétré profondément dans les attributions des politiques fiscales nationales qui auraient été responsables du sauvetage de l’euro.
En raison de prétendus dangers déflationnistes, les taux d’intérêt ont été abaissés en territoire négatif en 2014 et en mars 2015, dans une phase de bonne activité économique, un nouveau programme complet d’achat du secteur public (PSPP) a suivi. Cela a été décrit à plusieurs reprises comme « dans le cadre du mandat », car le taux d’inflation était bien inférieur à la barre des deux pour cent, mais la BCE voulait atteindre un taux d’inflation plus élevé à court terme, vers deux pour cent. Toutefois, ce faisant, elle a dissimulé les véritables intentions de ses actions, à savoir réduire les risques d’insolvabilité des États membres peu solides. En décembre 2018, l’Eurosystème avait acheté des obligations d’État pour une valeur d’environ 2 100 milliards d’euros.
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