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Pascal Boulanger, le tout nouveau président de la Fédération des promoteurs immobiliers tire la sonnette d’alarme. A ses yeux, la pénurie de logements est due à un blocage sociétal: les Français refusent qu’on construise près de chez eux. Résultat : l’offre de logements neufs se raréfie, ne suit plus la demande… et les prix risquent d’exploser. Entretien.
Capital : Pascal Boulanger, vous arrivez à la tête de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) alors que le logement neuf traverse l’une de ses pires crises. Quel regard portez-vous sur la période?
Pascal Boulanger : Certains voudraient réduire la période à une crise du logement neuf, je pense que nous faisons face à une crise beaucoup plus profonde, une véritable crise de société. La demande est soutenue, nous vendons même plutôt bien. Mais nous avons affaire à une population qui refuse l’acte de construire. J’ai le sentiment que nous arrivons dans une impasse : tous les Français veulent un beau logement, décent et confortable, mais ils ne veulent pas en construire. Ou alors loin de chez eux. Tout le monde veut habiter au plus près d’un hôpital afin d’avoir les meilleurs soins, mais personne ne veut entendre les sirènes des ambulances. Tout le monde veut prendre l’avion pour voyager, mais sans les entendre décoller ou atterrir… On doit faire admettre à la population et à la puissance publique que ce raisonnement ne tient pas. En tout cas pas dans le contexte actuel.
Capital : De quel contexte parlez-vous ?
Pascal Boulanger : On a connu par le passé des périodes au cours desquelles il n’y avait pas d’acheteurs, d’autres où les taux d’emprunt étaient trop élevés. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Le véritable souci, c’est la non-acceptation par la population de l’acte de construire. Or, la population est croissante et nous avons déjà un déficit de logements. On s’accorde à dire qu’il faudrait en construire 500.000 par an pour rattraper notre retard sur 10 ans. Mais nous sommes plutôt sur un rythme de 300.000 à 350.000 logements par an. Le retard se creuse ! Résultat : on arrive à une situation de sous-offre. Les stocks de logements à la vente sont actuellement deux fois moins importants qu’en temps normal. Mais finalement, ce que vous appelez “crise du logement neuf” est, à mon sens, une crise de conscience, qui risque d’aboutir à une crise du logement.
Capital : Les acteurs du logement ont souvent renvoyé la faute sur les maires, qui ne délivrent pas suffisamment de permis de construire. Est-ce toujours le cas selon vous ?
Pascal Boulanger : On a trop longtemps stigmatisé les maires, en expliquant que le manque de logements était de leur fait. C’est à la fois vrai et faux, car les maires sont coincés entre leur souhait de développer leur commune et celui de leurs administrés de ne pas voir de nouvelles constructions. Mais s’ils vont à l’encontre de leur population et construisent, ils risquent une sanction aux prochaines élections. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les élections municipales de 2020 feront date. Car jusqu’ici, on observait un refus de construire avant les élections. Ce n’était pas le moment d’avoir des nuisances dans la commune, mais les programmes repartaient quelque temps après le scrutin. En 2020, c’est bien après les élections que le problème se pose. Car certaines équipes municipales de villes dites “bâtisseuses” ont été battues. Je parle de villes comme Lyon, Bordeaux ou Strasbourg. Ces nouveaux maires se sont justement fait élire sur la promesse qu’ils allaient moins construire que leurs prédécesseurs. Cela crée une espèce de réticence contagieuse, et les maires délivrent donc moins d’autorisations. Mais, une fois de plus, il s’agit plus d’une conséquence du blocage de la population.
Capital : Voyez-vous tout de même des signes d’amélioration ?
Pascal Boulanger : Oui, heureusement ! Le fait que le Premier ministre ait créé la commission Rebsamen, dont nous faisons partie, est très positif. Cette commission a pour objectif d’identifier les freins à la construction et de proposer des solutions à même de les lever, afin de relancer durablement la construction de logements. C’est déjà un signe que notre gouvernement a conscience qu’il faut agir. Reste désormais à apporter des solutions. Les conclusions de cette commission devraient être rendues en septembre.
Capital : Avez-vous déjà des propositions ou des pistes ?
Pascal Boulanger : Nous sommes en train d’y travailler. Pour commencer, nous pensons qu’il faut aider les maires. Un élu qui a envie de bâtir doit avoir des motivations supplémentaires. Elles peuvent être financières, par exemple via les dotations de solidarités urbaines (DSU). Et puis il faut peut-être aussi réfléchir à sanctionner les maires qui gaspillent des droits à construire. Prenons un exemple. Un logement moyen mesure environ 50 mètres carrés. Si vous avez un terrain sur lequel vous pouvez construire 5.000 mètres carrés de surface de planchers, vous avez donc droit de faire plus ou moins 100 logements. Si le maire utilise ces 5.000 mètres carrés, il faut l’aider. S’il n’en utilise que le quart en revanche, il y a un énorme gaspillage de foncier. Et dans ce cas, je pense qu’il faut le sanctionner.
Capital : Selon vous, l’aide aux maires densificateurs, créée l’an dernier et dotée et 350millions d’euros sur deux ans, est-elle suffisante ?
Pascal Boulanger : Ce qui est sûr, c’est que ça va dans le bon sens. Mais je ne sais pas si ce sera suffisant face au blocage culturel et psychologique de la population. Les maires ont tous des piles de demandes de logements sur leur bureau, mais ils ne veulent pas passer leur mandat à se justifier devant leurs électeurs, lorsque ceux-ci feront signer des pétitions pour faire annuler tel ou tel permis de construire. Et je les comprends.
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