Crédit immobilier : les banques pousse-au-crime ?

Pour Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des Services Immobiliers, les récentes recommandations du Haut conseil des stabilité financière (HCSF) enjoignant les banques à reserrer leurs conditions de crédit sont bienvenues… afin d’éviter un retournement brutal du marché.

Les débats d’experts comme les articles de presse sont obsédés par deux miracles, qu’on n’aurait pas imaginés il y a encore dix ans : les taux d’intérêts proches de zéro et le cap franchi du million de transactions en France dans le logement existant. On se gargarise à l’envi de ces deux nouvelles inespérées. C’est au point que les rares messages qui nuancent la liesse collective sont inaudibles : comment voulez-vous faire entendre que le patient est malade quand il donne tous les signes de la grande santé ? Qui plus est, à bien y regarder, il les donne depuis plusieurs années : le prix de l’argent pour acheter de l’immobilier ne cesse de baisser depuis une décennie et le nombre de reventes ne cesse de croître. Certes, on s’est bien plaint à quelques moments de voir baisser la proportion de ceux qui acquièrent pour la première fois, les fameux primo-accédants – le nom est affreux, mais c’est ainsi qu’on les nomme dans le jargon de la politique du logement -, mais rien de grave au fond puisque cette proportion est remontée pour atteindre près de 50% des dossiers de prêt à ce jour.

Pourtant, le patient est bel et bien atteint et ceux qui se croient vigoureux le sont moins qu’ils ne le pensent. Ce sont les autorités bancaires qui ont troublé la fête la semaine dernière, par un avertissement qui a pu passer inaperçu dans le concert de louanges faites au marché immobilier. À y regarder de près, les notaires eux-mêmes, qui ont présenté les chiffres officiels du nombre d’opérations réalisées au cours de l’année 2019, ont discrètement assorti leur propos statistique de nuances de fond… et il faut parler « notaire », si vous me passez l’expression, pour déceler les réserves : ils considèrent que les prix des grandes métropoles de notre pays sont inaccessibles à la plupart de nos concitoyens. Qu’a donc dit le Haut Conseil de stabilité financière, présidé par le ministre des finances et qui réunit en particulier la Banque de France et le Trésor ?

Ces sages, un peu rabat-joie certes, ont estimé que dans 28% des dossiers de prêts immobiliers consentis aux ménages la règle tacite d’un rapport de 1 à 3 entre les revenus et la charge de remboursement était malmenée. Ils ont également considéré que les durées d’endettement ne devaient pas excéder 25 ans. Ils ont ensuite jugé que 15% de la production pouvait légitimement s’écarter de ces règles, notamment pour les primo-accédants, dans la limite d’un endettement équivalent à 7 ans de revenus nets. Le système bancaire se serait-il ainsi fait rappeler à l’ordre ? Oui, incontestablement. La fraction des crédits au-delà de 20 ans atteint 72%. Par ailleurs, le taux d’effort est dans plus de la moitié des dossiers proche… de 40%. Il faut ajouter pour être honnête que les banques, pour la plupart de ces dossiers dont l’approche semble dérogatoire, entrent par la méthode du reste-à-vivre : selon les revenus, ce qui reste à l’emprunteur après déduction des charges, de remboursement et de vie courante, ne sera pas du même niveau et un ménage aux revenus plus confortables pourra s’accommoder d’un taux d’effort majoré. Le Haut Conseil n’a néanmoins pas tort : la prédiction que les revenus de ces familles ou de ces individus demeureront plus élevés que la moyenne est hasardeuse par les temps qui courent. Autre dérive : l’exigence d’apport personnel. Elle était de 30% en général il y a encore cinq ans. Elle est aujourd’hui de 14% en moyenne. Or, cette épargne mobilisée pour réduire la partie financée est protectrice non seulement de la banque, mais surtout de l’emprunteur; en cas de besoin de revendre de façon précipitée, par exemple à cause d’une séparation ou d’un rupture professionnelle, le prix retiré de la cession pourra ne pas suffire à solder le prêt si la plus-value n’a pas eu le temps de s’exercer pour couvrir le capital restant dû et les frais de solde anticipé.

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