Crise économique et financière : la « faute à pas de chance » ?

La période février-mars a démenti les banquiers centraux. Contrairement à ce qu’ils ont martelé des années durant, l’économie américaine, et a fortiori mondiale, n’était pas vraiment « imperméable à la récession. »

Cependant, le détonateur de la crise n’a pas été d’origine économique ou financière, comme certains pouvait s’y attendre, mais sanitaire. « Ce que vous voyez ressemble probablement moins à un Cygne noir que ce que vous ne voyez pas », écrivait Nassim Taleb dans Le Cygne Noir. Que voilà une excellente occasion de remettre ses bouquins sur le haut de la pile qui hante nos tables de chevet !

Faut-il en conclure que la récession qui est devant nous est la faute du seul virus ?

Certainement pas.

Apprenez à penser comme un banquier central en distinguant les recessions « normales » et… les autres

La crise financière en cours n’arrange pas les affaires de nos grands planificateurs monétaires. Et oui car cela fait des années qu’ils maintiennent la croissance à bout de bras, tout en nous assurant que l’économie est en bonne santé, qu’il ne faut pas prêter attention au retournement de la courbe des taux car « cette fois, c’est différent », ou encore que la montagne de dette en constitution « n’a pas d’importance. »

« La courbe des taux n’a jamais menti. Les gens ont simplement choisi de l’ignorer en disant que cette fois, c’était différent. »

Vous vous doutez donc qu’un Jerome Powell s’est bien sûr précipité devant les caméras de télévision qui se sont présentées pour nous expliquer que le krach le plus violent de ces 100 dernières années n’aurait jamais eu lieu sans ce « choc négatif exogène » qu’est le coronavirus.

26 mars : Jerome Powell : « Il n’y a rien de fondamentalement mauvais dans notre économie. »

« Nous pourrions très bien être en récession, mais je voudrais souligner la différence entre cette récession et une récession normale », a solennellement déclaré le président de la Fed au micro de NBC.

Tout serait de la faute du virus. La débâcle en cours n’e serait qu’un accident de parcours, l’économie américaine est solide et robuste et, sans ce malheureux choc externe, le plus long cycle d’expansion de l’histoire américaine serait encore en train de se prolonger : voilà la fable que gouvernements et banquiers centraux nous servent à longueur de journée.

17 mars : « Eh bien, nous savons maintenant à quel point l’Amérique est bien préparée à une situation d’urgence. 4 semaines après le plus haut [sur les marchés actions] : on renfloue tout le monde. »

Rien n’est plus faux, il est grand temps de se réveiller.

Ce qu’il faut vraiment différencier, c’est la cause profonde du simple catalyseur de la crise

Ne vous y trompez pas : la crise que traversent l’économie et les marchés trouve ses causes dans l’action humaine. En l’occurrence, il s’agit des politiques menées par les décideurs budgétaires et monétaires.

Les racines de cette énième crise sont lointaines. Les banques centrales soufflent dans l’Everything Bubble depuis 2009. Il faudrait cependant remonter au moins à 1971 et au découplage entre l’or et le dollar pour mettre en relief ses causes profondes.

Pour résumer les choses très brièvement, l’origine du mal est double. Nous sommes victimes de deux virus qui n’ont rien à voir avec le Covid-19. Et pour cause, ils n’ont rien de sanitaire : ils seraient plutôt à mi-chemin entre le politique et le psychologique.

Le premier, c’est le choix systématique de « la facilité », comme l’a parfaitement formulé Simone Wapler. Dans nos sociétés contemporaines, il n’y a pas d’élection qui tienne sans promesse de déficit budgétaire. Et, à force d’accumuler les déficits, nos gouvernements se retrouvent avec des dettes gigantesques impossibles à refinancer au taux de marché. Il faut donc truquer la partie, piper les dés et c’est là que les banques centrales rentrent en jeu, en baissant les taux à zéro et en inondant les marchés de liquidités.

Grâce à cette manne, les Etats peuvent se financer à un coût soutenable, mais cette politique d’argent facile conduit inévitablement au développement de multiples autres bulles, de plus petite taille que la bulle des dettes souveraines puisque ne concernant que le secteur privé : immobilier, arts, actions, dette corporate, dette estudiantine, etc. C’est ainsi que s’est formée l’Everything Bubble, le Tout en Bulles ou la Grande Bulle du Tout – comme vous préférez.

A ce stade, peut-être avez-vous envie de me rétorquer qu’à cela ne tienne, il suffit d’ouvrir un livre d’Histoire pour constater que ce genre de démarche a toujours échoué. Nos banquiers centraux sont donc les plus à même de juger jusqu’où ils peuvent aller pour faire machine arrière avant qu’il ne soit trop tard.

Certes, mais c’est là qu’entre en jeu le second virus.

Ce virus, c’est la folie des grandeurs dont sont prises les autorités publiques de notre époque. Bruno Bertez décrit parfaitement ce phénomène : « Il y a quelque chose de prométhéen et de sisyphéen dans la tache folle des apprentis demi-dieux. Ils luttent contre la pesanteur et ils essaient de voler aux dieux le feu de l’infinitude et de l’éternité. Hélas notre lot à nous humain ce sont les limites, la finitude, la mort. Les marchés crient, ils veulent être ranimés. Ils veulent prolonger. » Il en va de même pour l’acharnement des autorités à prolonger coûte que coûte l’expansion économique, jusqu’à prétendre faire disparaître les cycles économiques.

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