Europe : il y a tant à faire pour redonner du sens à l’Union

Certains parlent du moment Hamilton européen en référence à l’initiative franco-allemande du début de cette semaine en faveur d’un plan de relance de 500 milliards d’euros financé par l’Union européenne pour aider les régions et secteurs à surmonter les méfaits de l’épidémie de coronavirus. On aimerait y croire tant cette ambition se justifierait face aux défis économiques et géopolitiques internationaux en présence, que les conséquences de la pandémie viendront sans nul doute, exacerber.

En forçant le politique à reprendre la main sur la BCE, la décision de la cour de Karlsruhe qui menace de restreindre la latitude de cette dernière se révélera peut-être un électrochoc salvateur. Mais ne nous y trompons pas, la tâche est immense et ne se résume pas à une enveloppe, aussi conséquente soit-elle, de milliards d’euros.

Le retour du politique, enfin

Plus de dix années se sont écoulées depuis la crise financière de 2008, dix années au cours desquelles l’avenir européen semble avoir exclusivement reposé sur les initiatives de la banque centrale européenne, si ce n’est sur celles d’un seul homme, incarné par son président, Mario Draghi.

Plutôt que d’adresser les origines économiques des maux des différents pays et de l’union monétaire dans sa globalité, cette politique du sauve-qui-peut monétaire a apporté des réponses financières en contrepartie de sacrifices budgétaires aux conséquences ravageuses pour la croissance et, par làmême,
pour la soutenabilité à long terme de l’endettement des États. Si l’arrêt des politiques d’austérité ces cinq dernières années a quelque peu desserré les contraintes, le carcan du pacte de stabilité et l’absence de politiques structurelles de croissance ont prolongé l’agonie des pays les plus fragiles, au premier rang desquels l’Italie. Entre 2015 et 2019, cette dernière a été soumise à des excédents primaires de 1,2% de son PIB chaque année, un sacrifice certes moins élevé qu’au cours des trois ans précédents, pour autant très coûteux dans un contexte de faible croissance économique nominale généralisée.

Après plus de vingt ans de restriction budgétaire au rythme de 2% l’an en moyenne, le pays a payé un lourd tribu à cette discipline, égalée par aucun autre pays. Entre son point haut du début 2008 et le dernier trimestre 2019, le produit intérieur brut italien s’est contracté de 5% ce qui, malgré une démographie déclinante depuis cinq ans, s’est soldé par une chute de 7,3% de son PIB moyen par habitant, à laquelle il faut dorénavant ajouter les pertes additionnelles de 4,5% au premier trimestre et, selon toute vraisemblance, au moins autant au deuxième. L’ensemble devrait porter à plus de 15% la baisse cumulée du revenu par habitant des douze dernières années, un constat inédit dans l’histoire contemporaine des pays développés, rendant de facto la situation des finances publiques italiennes plus insupportable qu’elle ne l’était avant l’épidémie.

Si le cas de l’Italie est extrême il n’en est pas moins le témoin de ce que risque de connaiître à terme une majorité d’économies de la zone euro en l’absence de changement de cap de la politique économique et ceci plus encore au vu des dégâts attendus de la pandémie. C’est en ce sens que la reprise en main du politique que préfigurent les annonces de la Chancelière allemande et du Président français constituent une bonne nouvelle. Mais c’est également à partir de cette expérience que l’on prend conscience de l’ampleur des enjeux qui s’ensuivent, lesquels vont bien au-delà des conséquences immédiates de la crise du Covid-19.

Remettre les boeufs devant la charrue

Prétendre contrôler les dettes en réduisant le potentiel de croissance, ce à quoi ont conduit les axes de la politique européenne jusqu’à maintenant, est une
aberration que nous avons maintes fois dénoncée depuis 2010 et qui ne pouvait que mal finir. Trop de restriction budgétaire a pour effet bien connu de nuire en priorité aux investissements publics et par voie de conséquence aux investissements productifs privés, sans parler des effets néfastes des politiques
trop restrictives sur la demande. Le constat ne date ni d’hier ni de l’expérience européenne, il est universel. En ne protégeant pas les dépenses d’investissement des efforts demandés aux États, la politique menée a, par ailleurs, exacerbé les écarts entre les pays de la région plutôt que de contribuer à ce que devrait viser une union monétaire ; un plus grand degré de convergence entre les économies qui la composent.

Privilégier le numérateur du rapport de la dette à son dénominateur, le produit intérieur brut nominal, revient le plus souvent à éroder ce dernier et à annihiler les efforts consentis par les populations. Cela ne signifie pas qu’il faut négliger le contrôle de la dette et des déficits mais qu’il est nécessaire de viser un équilibre soutenable assurant la préservation d’un rythme de croissance nominale suffisant, sans lequel l’inflexion de la trajectoire de l’endettement n’est pas accessible.

L’Italie est le contre-exemple de la stratégie optimale en la matière et il s’agit aujourd’hui d’y mettre un terme. C’est uniquement par la garantie d’une telle rupture que les annonces à venir de la part de la Commission pourront véritablement rassurer sur leurs chances de réussite à terme.

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