Il n’est pas du tout certain que l’on puisse se passer un jour du nucléaire

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En se prononçant pour la construction de nouveaux réacteurs, Macron remet le sujet à l’ordre du jour. À droite, c’est clairement oui, à gauche, c’est plutôt non, avec plus ou moins de clarté.

Déjà fin mars, on le disait ici: il faut parler de la place du nucléaire en France. Le 13 octobre, en présentant les dix objectifs de son plan France 2030, Emmanuel Macron a relancé le débat de façon spectaculaire. Le premier de ces objectifs est en effet un investissement de l’ordre d’un milliard d’euros pour encourager la recherche et le développement de réacteurs de type SMR (pour small modular reactors). Cette seule annonce ne peut suffire à définir ce que pourrait être la future politique de la France en matière d’énergie nucléaire, mais elle a au moins le mérite de lancer la discussion.

Au cours des derniers mois, la mobilisation de la droite contre les éoliennes a rendu ce débat indispensable. Si l’on veut réellement réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et dans le même temps ralentir la progression des énergies renouvelables, il faut bien trouver une autre solution, à moins de prendre le risque de manquer d’énergie. Et même si l’on s’abstient de suivre les politiques les plus conservatrices et si l’on continue à développer l’éolien et le solaire, il n’est pas du tout certain que l’on puisse se passer du nucléaire. La sobriété chère aux écologistes n’est pas la panacée. À l’évidence, il faut économiser l’énergie en recherchant une plus grande efficacité des processus de production et en évitant les usages superflus. Mais cela ne peut suffire. Et le problème ne concerne pas que la France.

Des besoins d’électricité multipliés par deux ou trois

Malgré des progrès rapides, plus de 700 millions de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’électricité et, selon les estimations des Nations unies, il pourrait encore y en avoir 660 millions qui en seraient privées en 2030, principalement en Afrique subsaharienne. Et, comme on le voit avec l’automobile, la baisse de la consommation d’énergie fossile va conduire nécessairement à un plus grand recours à l’électricité. Selon le remarquable World Energy Markets Observatory (WEMO) publié chaque année par Capgemini, la consommation d’électricité dans le monde devrait doubler d’ici à 2050. Dans ses prévisions annuelles, l’Agence internationale de l’Énergie estime même que, dans un scénario «zéro émissions nettes» à l’horizon 2050, la production d’électricité devrait être presque multipliée par trois!

Pour faire face à ces besoins futurs, sera-t-il nécessaire de faire appel au nucléaire? La question est toujours discutée. Des scénarios 100% renouvelables circulent, mais ils sont très loin de faire l’unanimité parmi les spécialistes des questions énergétiques. On connaît les problèmes d’intermittence de ces énergies: si, cet automne, en Europe, on se retrouve avec une énergie si chère et une telle dépendance au gaz russe, c’est en partie parce qu’il y a eu une longue période sans vent en Europe du Nord. On voit aussi les problèmes d’acceptabilité sociale des éoliennes, qu’elles soient terrestres ou maritimes. Et l’implantation de centrales solaires peut aussi être contestée.

Une opinion moins négative face au nucléaire

Le nucléaire, dont la production est davantage pilotable, peut permettre de pallier les problèmes d’intermittence. Quant à son acceptabilité, elle n’est pas aussi problématique que l’activisme antinucléaire pourrait le laisser penser. La centrale de Fessenheim a été fermée en 2020 pour des raisons exclusivement politiques, mais le moins que l’on puisse dire est que la population locale ne le demandait pas. Quant à la population française dans son ensemble, selon la dernière enquête de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), elle reste divisée sur le sujet, mais son opinion est plutôt positive et meilleure qu’elle ne l’a été dans le passé.

Cette confiance relative est-elle justifiée? Les Français auraient-ils déjà oublié Fukushima? Non, certainement pas. 62% d’entre eux pensent même qu’un accident comparable à Fukushima pourrait se produire en France. Mais qui sait ce qui s’est réellement passé au Japon en ce mois de mars 2011? Officiellement, l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima n’a causé qu’une seule mort directe, alors que le séisme et le tsunami qui a suivi ont provoqué la mort de plus de 18.000 personnes. La réalité est sans doute plus complexe et le bilan qui devra être dressé dans le futur en tenant compte des effets à long terme de la radioactivité sera certainement plus élevé. Mais l’écart entre les deux chiffres, même s’il est appelé à se réduire, restera certainement considérable. Et ce n’est pas tout.

La faute du nucléaire ou de ceux qui en ont la responsabilité?

Les médias japonais ont fait circuler l’information selon laquelle la deuxième centrale de Fukushima, située à quelques kilomètres de la première et soumise comme elle au tremblement de terre et au séisme, n’a pas connu d’accident nucléaire grâce au sang-froid et à la compétence de ses responsables, ce qui tendrait à prouver que les dirigeants de Tepco, la compagnie qui exploitait les deux centrales, et les autorités de contrôle de la sécurité n’ont rien à se reprocher.

Accepter cette conclusion serait aller un peu vite en besogne. Car il faudrait parler aussi de la centrale d’Onagawa, deux fois plus proche de l’épicentre du séisme, dont les trois réacteurs ont résisté au cataclysme sans problème majeur, à tel point que 200 personnes dont les maisons avaient été détruites par le tremblement de terre et le tsunami ont trouvé refuge dans ses locaux…

Le nucléaire étant une industrie dangereuse, la moindre négligence peut être fatale.

Un miracle? Non, simplement une construction bien pensée et bien réalisée. La Tohoku Electric Power Company, qui exploitait cette centrale, à la différence de Tepco, a parfaitement mesuré les risques pris dans cette zone sismique. Au vu de l’étude des précédents tsunamis, il a été jugé nécessaire de placer les installations sensibles à une hauteur de quinze mètres au-dessus de la mer, les vagues les plus hautes n’ayant pas dépassé quatorze mètres, la centrale a pu résister. La conclusion de cette affaire aurait donc dû être la suivante: le nucléaire étant une industrie dangereuse, la moindre négligence peut être fatale.

À Fukushima, si l’exploitant de la centrale avait été plus précautionneux et si les autorités de contrôle avaient fait correctement leur travail, un accident aussi grave que celui qui a été enregistré aurait pu être évité. Ce n’est pas le nucléaire qui était en cause, mais la façon dont il a été géré.[ad_2]

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