Jamais l’emprise des États sur l’économie n’a été aussi forte

Partout à travers le monde, les gouvernements sont à la manœuvre pour combattre la pandémie et son impact économique, et cela même dans ceux réputés les plus libéraux.

Du premier confinement au second, en passant par toutes les étapes intermédiaires, les Français·es ont pu voir à quel point les décisions prises par le pouvoir exécutif pour tenter de ralentir la propagation du Covid-19 limitent leurs libertés.

Ces mesures exceptionnelles ont pu être prises parce que le Parlement l’avait autorisé, en votant l’état d’urgence sanitaire. La prolongation de cet état d’urgence jusqu’au 16 février 2021 a certes provoqué des remous –les parlementaires de l’opposition auraient voulu pouvoir discuter des mesures déjà prises et de celles qui sont envisagées–, mais, sur le fond, en France comme dans les autres pays, il a été admis que les gouvernements devaient intervenir, y compris en prenant des mesures très coercitives inenvisageables en temps normal.

Ici comme ailleurs, les citoyen·nes, leurs représentant·es et la presse ne sont pas privé·es de critiquer parfois avec virulence les décisions prises au sommet de l’État –trop tôt, trop tard, mal adaptées, inefficaces, etc. Un point fondamental semble incontesté: face à une menace de grande ampleur comme la pandémie, les initiatives privées ou publiques prises localement ne peuvent suffire. L’État a un rôle protecteur à jouer et il doit le jouer.

Des déficits toujours en hausse

Cette intervention dans le domaine sanitaire a un impact fort sur la vie économique, comme on l’a vu de façon particulièrement spectaculaire lors du premier confinement, du 17 mars au 11 mai, beaucoup plus strict que le confinement actuel, qui, selon les premières estimations de la Banque de France, devrait entraîner une perte de PIB limitée à environ 12% en novembre.

Très vite, l’activité avait chuté de 30%, obligeant le gouvernement à prendre des mesures de soutien des entreprises et d’aide aux ménages les plus touchés. Le budget général de l’État pour 2020 avait été établi sur la base de 244,6 milliards de recettes nettes pour 337,7 milliards de dépenses, ce qui laissait un déficit de 93 milliards d’euros. Au passage, on notera que dès le départ, plus d’un quart des dépenses n’étaient pas couvertes par des recettes… Le 23 mars, une première loi de finances rectificative prévoyait un recul des recettes de 7,1 milliards et des dépenses en hausse de 6,2 milliards, et donc un accroissement du déficit de plus de 13 milliards.

Le confinement avait été annoncé pour quinze jours, il a été prolongé deux fois et les mesures d’accompagnement ont dû être renforcées. La deuxième loi de finances rectificative du 25 avril a prévu une nouvelle baisse des recettes de 36,1 milliards et une hausse des dépenses de 37,9 milliards, soit une hausse du déficit de 74 milliards et même 76 milliards avec les comptes dits spéciaux. Le 30 juillet, une troisième loi de finances rectificative venait réduire les prévisions de recettes de 24,5 milliards et augmenter les dépenses de 12,7 milliards, ce qui conduisait à une nouvelle hausse du déficit de plus 37 milliards (39 milliards avec les comptes spéciaux).

Une crise à 186 milliards d’euros pour la seule année 2020…

À ce moment-là, on pensait en avoir fini avec les mesures budgétaires, du moins pour cette année. Le plan de relance d’une centaine de milliards d’euros serait intégré au projet de loi de finances pour 2021. C’était sans compter sans le deuxième confinement. Le projet d’une quatrième loi de finances rectificative pour 2020, qui n’était pas du tout prévue, a dû être déposé devant le Parlement le 4 novembre.

Il prévoit notamment une vingtaine de milliards d’euros supplémentaires pour aider les entreprises, les salarié·es et les ménages en situation de précarité. Au total, la crise sanitaire devrait avoir coûté 186 milliards cette année: 100 milliards de pertes de recettes et 86 milliards de dépenses.

Quant au déficit de l’ensemble des administrations publiques (État, collectivités locales, Sécurité sociale), qui devait s’établir à 2,2% du PIB cette année, il est désormais attendu à 11,3% du PIB, du jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Autre chiffre montrant la gravité de la crise et la vigueur de la réponse gouvernementale: le poids des dépenses publiques devrait atteindre 64,3% du PIB cette année, un niveau jamais atteint.

Depuis la crise financière de 2008, les dépenses publiques dépassaient tous les ans 55% du PIB; en 2019, il avait été possible de les ramener à 54% du PIB. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit d’amorcer de nouveau un reflux et de les ramener à 58,5% du PIB; mais il a été établi avant le deuxième confinement…

Dans le G20, 11.000 milliards de dollars déboursés

Que celles et ceux qui voient en Emmanuel Macron un dangereux socialiste (si, si, il y en a encore…) regardent ce qui s’est fait ailleurs: partout, l’État a dû intervenir, quelle que soit la couleur politique du ou des partis au pouvoir. Celles et ceux qui en ont le courage peuvent parcourir la liste dressée par le FMI et régulièrement mise à jour des mesures prises dans 196 pays. Depuis le début de la crise, ce sont environ 11.000 milliards de dollars qui ont été dépensés par les vingt premières puissances économiques mondiales.

Comme c’est le cas à chaque crise (la dernière fois c’était en 2008-2009), quand des États, comme l’Allemagne ou les États-Unis, ouvrent largement leur portefeuille, on voit fleurir des commentaires du genre: c’est la redécouverte du keynésianisme, en référence à John Maynard Keynes qui, au lendemain de la crise de 1929, avait développé les outils théoriques devant inspirer des politiques publiques vigoureusement interventionnistes en cas de fléchissement de l’activité économique.

Bien évidemment, la plupart des dirigeant·es qui prennent aujourd’hui des décisions de soutien à l’économie n’ont pas lu Keynes et leurs conseillères ou conseillers ne sont pas tous séduits par sa théorie qui inspire surtout des partis politiques situés à gauche.

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