Le plan de relance de Biden ne réduira pas les inégalités aux États-Unis


Le plan de relance de Biden ne modifiera pas plus les inégalités structurelles que les autres fondements de la spirale de mort de l’Amérique.

Le président Joe Biden pendant l’investiture présidentielle, le 20 janvier. (Maison-Blanche, Ana Isabel Martinez Chamorro)

Les élites dirigeantes établies savent qu’il y a une crise. Elles ont accepté, au moins temporairement, d’y jeter de l’argent avec le projet de loi Covid-19 de 1 900 milliards de dollars connu sous le nom d’American Rescue Plan (ARP) [Plan de relance, NdT].

Mais l’ARP ne modifiera en rien les inégalités structurelles, que ce soit en portant le salaire minimum à 15 dollars de l’heure ou en imposant des taxes et des réglementations aux entreprises ou à une classe des milliardaires qui a vu sa richesse augmenter de 1 100 milliards de dollars depuis le début de la pandémie.

Le système de santé restera privatisé, ce qui veut dire que les compagnies d’assurance et les sociétés pharmaceutiques vont récolter une manne de dizaines de milliards de dollars grâce à l’ARP, et ce alors qu’elles réalisent déjà des bénéfices records. Les guerres interminables du Moyen-Orient, et le budget militaire pléthorique qui les finance, resteront sacro-saintes. Wall Street et les prédateurs spéculatifs mondiaux qui profitent des niveaux massifs des créances imposées à une classe ouvrière sous-payée et pillent le Trésor américain dans ce capitalisme de casino continueront à faire affluer l’argent dans les mains d’une infime clique oligarque.

Il n’y aura pas de réforme du financement des campagnes pour mettre fin à notre système de corruption légalisée. Les monopoles géants des nouvelles technologies resteront intacts. Les entreprises de combustibles fossiles continueront de détruire les écosystèmes. La police militarisée, la censure imposée par les plateformes de médias numériques, le gigantesque système carcéral, les lois de plus en plus dures visant à endiguer le terrorisme intérieur et la dissidence ainsi que la surveillance gouvernementale à grande échelle resteront les principaux instruments de contrôle de l’État, tout comme avant.

Cette loi offrira, au mieux, un répit momentané dans la spirale de mort du pays, en envoyant des chèques exceptionnels de 1 400 dollars à 280 millions d’Américains, en prolongeant les allocations de chômage hebdomadaires de 300 dollars jusqu’à la fin du mois d’août et en distribuant 3 600 dollars par le biais d’un crédit d’impôt pour les enfants de moins de 6 ans et 3 000 dollars par enfant de 6 à 17 ans à partir du 1er juillet.

Une grande partie de cet argent sera instantanément engloutie par les propriétaires, les prêteurs, les prestataires de soins médicaux et les sociétés de cartes de crédit. La loi a cependant le mérite de renflouer environ un million de travailleurs syndiqués qui risquent de perdre leur retraite et d’accorder une aide de 31,2 milliards de dollars aux communautés autochtones, qui comptent parmi les plus pauvres du pays.

Mais que se passe-t-il pour la majorité des Américains qui ne bénéficient de l’aide du gouvernement que pendant quelques mois ? Que sont-ils supposés faire lorsque les chèques cesseront d’arriver à la fin de l’année ? Le gouvernement fédéral va-t-il orchestrer un autre plan d’aide massif ? J’en doute. Nous serons de retour à la case départ.

En refusant de s’attaquer aux causes profondes de la pourriture de l’Amérique, en ne parvenant pas à redonner vie aux institutions démocratiques qui permettaient autrefois aux citoyens de faire entendre leur voix, aussi modeste soit-elle, et rendaient possible une réforme progressive et fragmentaire, en ne s’attaquant pas aux graves inégalités sociales et économiques et à la fracture qui affectent au moins la moitié du pays, l’anomie et la rupture des liens sociaux qui ont permis l’émergence d’un démagogue comme Donald Trump vont s’étendre. La décomposition de l’empire américain ne s’arrêtera pas là. Les anomalies politiques vont se métastaser.

Lorsque le prochain démagogue apparaîtra, et le parti républicain a misé son avenir sur Trump ou son double, il ou elle sera probablement compétent.e. Dans 43 États, le parti républicain a proposé 250 lois visant à limiter le vote par correspondance, le vote anticipé en personne et le jour de l’élection, à imposer des exigences plus strictes en matière de pièces d’identité, ainsi qu’à réduire les heures d’ouverture des bureaux de vote et leur nombre, ce qui pourrait priver des dizaines de millions d’électeurs de leur droit de vote. Le parti n’a aucune intention de respecter les règles du jeu. Une fois revenu au pouvoir, revêtu de l’habit idéologique du fascisme chrétien, Trump, le nouveau ou l’ancien, abolira le peu qui reste de l’espace démocratique.

Les élites établies prétendent que Trump était une exception monstrueuse. Elles croient naïvement qu’elles peuvent faire disparaître Trump et ses partisans les plus véhéments en les bannissant des médias sociaux. Selon leurs affirmations, l’ancien régime reviendra avec le décorum de sa présidence impériale, le respect des normes procédurales, des élections minutieusement chorégraphiées et la fidélité aux politiques néolibérales et impériales.

L’ère Trump se poursuit

Mais ce que les élites dirigeantes établies n’ont pas encore compris, malgré la victoire électorale serrée de Joe Biden sur Trump et la prise d’assaut de la capitale le 6 janvier par une populace enragée, c’est que toute crédibilité dans l’ordre ancien est morte. L’avenir, c’est l’ère Trump, à défaut d’être Trump lui-même. Les élites dirigeantes, représentées par Biden et le parti démocrate ainsi que par l’aile policée du parti républicain incarnée par Jeb Bush et Mitt Romney, se dirigent vers les poubelles de l’histoire.

Les élites ont collectivement vendu le public américain au pouvoir des entreprises. Elles l’ont fait en mentant au public sur les conséquences de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), des accords commerciaux, du démantèlement de l’aide sociale, de la révocation du Glass-Steagall [Le Glass-Steagall Act est le nom sous lequel est généralement connu le Banking Act de 1933 aux États-Unis par lequel sont instaurés : l’incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement ; le système fédéral d’assurance des dépôts bancaires, NdT], de la mise en place de mesures d’austérité, de la déréglementation de Wall Street, de l’adoption de projets de loi draconiens sur la criminalité, du lancement de guerres qui n’en finissent pas au Moyen-Orient et du renflouement des grandes banques et des sociétés financières plutôt que des victimes de leur fraude. Ces mensonges ont été bien, bien plus dommageables pour le public que n’importe lequel des mensonges racontés par Trump. Ces élites ont été démasquées. Elles sont détestées. Elles méritent d’être détestées.

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