L’inflation : une érosion monétaire

« L’inflation est un masque : elle donne l’illusion de l’aisance, elle gomme les erreurs, elle n’enrichit que les spéculateurs, elle est prime à l’insouciance, potion à court terme et poison à long terme, victoire de la cigale sur la fourmi » , J-Y Naudet, 2010.

La création monétaire par la dette avec intérêts est une morsure faite à la société. Une morsure indolore au départ, mais qui injecte dans l’économie une sorte de lents poisons qui se propagent : spéculation, inégalités de richesse, instauration de la ploutocratie, inflation…

Parmi ces lents poisons, il y a donc l’inflation. Sûrement le phénomène le moins compris par les citoyens et même par certains économistes.

L’inflation n’est pas un phénomène statique. C’est un phénomène dynamique, qui se propage, parfois lentement, et parfois violemment.

La politique monétaire des banques centrales qui consiste à créer infiniment de la monnaie à partir d’un clavier d’ordinateur et à l’injecter sur les marchés financiers est un remède à court terme, mais un poison à long terme : bulles des actifs, inflation, inégalités de richesse

— Anice Lajnef (@AniceLajnef) January 18, 2022

Pour comprendre l’inflation, il faut s’imaginer la monnaie comme un liquide qui se propage dans l’économie.

L’eau cherche toujours un chemin pour circuler. Parfois elle le trouve facilement, parfois elle s’accumule à un endroit le temps de trouver la petite faille pour s’y immiscer et y circuler.

La faille devient un canal, et soudainement l’eau se déverse abondamment vers sa nouvelle destination.

La monnaie agit exactement comme l’eau. Les banques centrales ouvrent le robinet monétaire dès le début de la crise de 2008, et comme par magie la monnaie reste cantonnée aux marchés financiers pendant des années, sans atteindre l’économie dite réelle (mis à part l’immobilier).

Au départ de la crise de 2008, le robinet monétaire sert à « abreuver » des banques assoiffées de liquidités monétaires, proche de la mort collective.

La monnaie créée les sauve alors de l’agonie, provoquée pourtant par les effets de leur propre cupidité.

Est-ce morale de sauver des banques immorales avec de la monnaie d’intérêt public puisqu’elle est créée de nulle part par les banques centrales ?

Mettons la morale de côté pour le moment. Les banques sont sauvées, mais la finance continue de tanguer. La dette des États et des entreprises ayant accès aux marchés financiers de la dette est attaquée par des fonds vautours, des fonds de spéculateurs.

La monnaie déversée par les banques centrales sur les banques commerciales ne se propage pas assez vite sur le marché de la dette, car la confiance est cassée depuis le choc de confiance de 2008.

Qu’à cela ne tienne, les banques centrales décident d’agir directement sur ce fameux marché de la dette où les États et les multinationales s’endettent. De la monnaie est créée de nulle part par les banques centrales pour acheter de la dette détenue par les banques commerciales.

À ce moment-là, qui correspond à la crise de la dette souveraine (2010-2014), les effets de la création monétaire magique n’ont que bon ! Les banques et la finance sont assoiffées de monnaie, elles boivent tout ce qu’elles peuvent, ne laissant aucune goûte se déverser ailleurs.

La monnaie reste hermétiquement dans le monde de la finance et des marchés : elle sert à éponger les erreurs du passé, pendant que les peuples se serrent la ceinture !

Face à ce qui ressemble à de la magie (qui n’en est pas), les banques centrales n’arrêtent pas le robinet monétaire. À chaque tentative de le fermer, les marchés financiers baissent violemment : les banques et les investisseurs ne peuvent plus se passer de leur drogue monétaire.

Le chantage fonctionne. Le robinet monétaire déverse les milliards sur le marché de la dette, le prix des obligations augmente, tuant artificiellement le risque de faillite des États et des multinationales.

Résultat : les taux qui rémunèrent le risque baissent, devenant nuls, voire négatifs !

La logique du profit pousse la monnaie à se frayer un nouveau chemin et à trouver une meilleure destination. Les arbitrages sont naturels, la monnaie cherche des lieux qui rémunèrent encore !

Quoi de mieux comme rémunération que les dividendes des sociétés et les loyers de l’immobilier ? Les prix des actions et de l’immobilier montent au fur et à mesure que la monnaie créée de nulle part par les banques centrales continue d’être injectée sur le marché de la dette !

À partir de 2015, des bulles dangereuses se créent.

Tout cela est permis car dans la vie courante, l’inflation n’existe pas officiellement, car l’indice qui permet de le calculer ne prend pas en compte les obligations et les actions. Le poids de l’immobilier n’est que de 6.2%.

En même temps, les salaires des fonctionnaires sont gelés, l’austérité budgétaire est de mise : hausse des taxes et fermeture des services publics.

On coupe les vivres de ceux qui peuvent créer de l’inflation officielle pour plaire aux marchés qui tétanisent nos dirigeants politiques. C’est le début des mouvements sociaux, notamment celui des Gilets Jaunes, qui est en réalité le mouvement de la perte du pouvoir d’achat.

Quelle incroyable situation quand on y pense : la finance profite de milliers de milliards d’un côté pour être sauvée des effets de sa cupidité (crise de 2008) ; de l’autre de pauvres gens qu’on pousse à la diète monétaire sous la pression de cette même finance ! C’est cocasse.

Tout cela pour contenir l’inflation « officielle » qui est le seul frein de la création monétaire par les banques centrales, car la stabilité des prix à la consommation est leur mission principale. Stabilité des prix à la consommation, et non pas celle des prix des actifs.

La mission des banques centrales est de veiller à la stabilité des prix à la consommation, c’est à dire l’inflation des pauvres, et non à veiller à l’inflation des prix des actifs qui est l’inflation des riches. Au contraire, depuis 2008 elles nourrissent « l’inflation des riches ».

Donc tant que le peuple ne profite pas de la création monétaire, le hold up peut continuer. Les banques centrales continuent d’injecter toujours plus de monnaie à partir de 2015.

Les marchés sont rassasiés de monnaie, les bulles se créent. Les plus avertis sentent que quelque chose cloche. La monnaie continue de se frayer un chemin.

Ce n’est pas pour rien qu’en 2017, le monde découvre le bitcoin, resté jusqu’à là cantonné à une communauté de pionniers de la crypto-monnaie.

D’ailleurs, le monde des cryptos et celui de l’art sont les autres destinations de la monnaie magique qui essaie de se frayer un chemin pour fuir les marchés de la dette, des actions, et de l’immobilier qui ont atteint des niveaux qui ne veulent plus rien dire !

Puis vint la crise sanitaire de 2020 et l’arrêt presque total de l’économie. Cette fois-ci impossible de ne pas faire profiter l’économie réelle de la monnaie magique, car sans le travail de la plèbe, la finance n’a plus personne à exploiter.

Cette fois-ci les PME et les multinationales profitent des prêts garantis par l’État pour assurer le paiement des échéances de leurs dettes. Les États payent en partie des chiffres d’affaires et des salaires grâce à l’argent magique.

Aux États-Unis, la Fed offre même des chèques directement aux citoyens.

Partout la monnaie déferle plus seulement sur les marchés mais aussi sur les consommateurs.

Tout cela alors que la machine est à l’arrêt !

À la sortie du confinement, le « pouvoir d’achat » des citoyens est ponctuellement trop fort par rapport à la production et aux stocks qui ont fortement réduits pendant le confinement. Un « pouvoir d’achat » dopé cette fois en partie par une dette privée qu’il faudra bien un jour payer !

En même temps, sentant le bon coup de la reprise de nos routines, la monnaie s’est frayé un nouveau chemin pour fuir les autres marchés dont la perspective de hausse est plus que limitée. Les matières premières sont le nouvel eldorado de la monnaie magique et de la spéculation.

La monnaie, comme l’eau, est intelligente, elle cherche toujours la meilleure pente. Sa pente à elle c’est le profit et la spéculation. Elle est dynamique, elle flaire les opportunités. Elle arbitre la moindre faille, la moindre faiblesse, le moindre manque.

Pour comprendre l’inflation qui est un des effets de la monnaie magique, il ne faut pas prendre une image figée de l’économie et en tirer des conclusions. Il faut s’inscrire dans un film, dans un mouvement. Il faut suivre le flot monétaire à la trace pour enfin le comprendre !

Aujourd’hui les banques centrales ne peuvent plus nier les effets de leurs méfaits. La fuite en avant est face à un mur : arrêter l’argent magique et risquer la chute brutale des marchés ; continuer et risquer l’appauvrissement des travailleurs et des épargnants.

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