Que deviendront les zombies si l’Etat débranche la perfusion ?

Face à la crise, le «quoi qu’il en coûte» a durablement dégradé les finances publiques pour protéger entreprises et emploi. Mais cet argent s’est-il déversé dans des puits sans fond pour retarder un déluge de faillites à un an de la présidentielle ?

«L’objectif maintenant c’est d’éviter que des entreprises zombies soit créées au moment de la sortie de crise», déclarait le 2 février, lors d’une audition au Sénat, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire.

Il était interrogé sur les mécanismes d’aide d’urgence pour les entreprises en difficulté et sur le risque de défaillances à venir, une fois l’arrêt du soutien financier de l’Etat. Une occasion pour le ministre de relever un phénomène paradoxal : un nombre exceptionnellement bas de faillites (35 000) en 2020, pendant une année où la France a connu une chute de son produit intérieur brut de 8,3%, contre 50 000 en 2019, alors que l’économie croissait encore de 1,5%.

Le fait est que les tribunaux de commerce ont été fermés pendant la première période de confinement, gelant les procédures de liquidation pendant que les Urssaf cessaient d’assigner en justice les mauvais payeurs. Mais surtout, avec 118 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE), 18,7 milliards de reports de charges sociales, 19,8 milliards de financement de l’activité partielle et 6,4 milliards d’aide via le Fonds de solidarité (chiffres arrêtés à fin janvier), l’Etat a largement porté à bout de bras un grand nombre d’entreprises.

«Bulle de faillites à retardement»

Aussi, on peut légitimement se demander si le gouvernement n’a pas pioché dans les poches du contribuable, en alourdissant le fardeau de la dette, pour soutenir à fonds perdus des entreprises de toute façon condamnées à la faillite ? C’est du moins l’analyse faite depuis des mois par plusieurs économistes comme David Cayla, membre des Economistes atterrés, qui écrivait dès septembre : «Le PGE est en train de créer une énorme bulle de faillites à retardement. Car dès que ce dispositif sera arrêté, toutes les entreprises zombies vont soudainement se retrouver en cessation de paiement.»

Une préoccupation bien comprise par Benoît Cœuré, le président du Comité de suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises, auditionné quelques jours avant le ministre de l’Economie par une commission de l’Assemblée nationale.

Des dispositifs d’aides aux zombies ?

Avant même d’avoir à répondre aux questions des représentants des groupes parlementaires, il déclarait dans sa présentation : «Est-ce que ces dispositifs ont aidé les entreprises fondamentalement peu profitables à rester à flot alors que dans un environnement de marché normal, ces entreprises auraient dû disparaître? Sans doute en partie, mais […] les aides n’ont pas profité de manière démesurée à de mauvaises entreprises et n’ont pas été captées par ces entreprises zombies.»

Toutefois, après avoir expliqué que l’Etat avait aidé «presque toutes les entreprises» et leur avait permis de se maintenir à flot, Benoît Cœuré soulignait que cela ne traitait «aucun des problèmes structurels auxquels les entreprises font face», et masquait «dans beaucoup de cas une accumulation de passifs». Puis il a reconnu qu’il n’avait «pas aujourd’hui d’idée claire de la situation des entreprises françaises.»

Le terme d’«entreprise zombie» est apparu dans les années 1990 au Japon, pour désigner des entreprises incapables de rembourser leurs dettes, mais qui continuaient d’être financées par des banques, elles-mêmes en difficulté, mais qui voulaient éviter d’inscrire des provisions pour créances douteuses à leur bilan. Ce phénomène s’est accru depuis la crise financière de 2008 dans la plupart des économies développées. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), qui regroupe les principales banques centrales, près d’une entreprise sur six cotées en bourse dans les pays riches pouvait être classée comme zombie à l’approche de la pandémie, contre environ une sur vingt dans les années 1980.

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