Réindustrialisation : l’immense occasion manquée de France Relance

Le plan de relance est doté d’un budget de 100 milliards d’euros.
Une enveloppe beaucoup trop petite pour l’enjeu

Tout d’abord, contrairement à l’effet d’annonce escompté par le gouvernement, le programme « Relance France » de « 100 milliards » a une enveloppe beaucoup trop petite pour être un « plan de relance » indiscutable. Pourquoi ? Tout d’abord, le financement du programme s’étend sur deux ou trois ans, de 2020 à 2022. Donc l’effort financier annuel porte au maximum et au mieux sur 30 à 40 milliards réellement réalisés par an.

Ensuite, le plan de « relance » français est nettement inférieur aux plans allemand ou américain par exemple. Ainsi Berlin aura consacré 6% de son PIB pour contrecarrer la crise et Washington 10 % de son PIB. En ce qui nous concerne, ce sera seulement 4 %… alors que nous sommes les plus touchés avec – 10 % de notre PIB attendus sur 2020 pour – 6% pour l’Allemagne et les Etats-Unis. Pour finir, le versement effectif des fonds du plan français sera bien plus lent que celui des fonds allemands ou américains.

Nous avons un gouvernement Castex qui n’a pas saisi l’ampleur du problème et finalement l’enjeu exceptionnel de ce plan de relance. Encore une fois, les préoccupations électoralistes et bassement politiciennes l’auront emporté sur le réel souci de l’économie française. Il est vrai que l’incapacité des gouvernements successifs à mobiliser le système bancaire français ainsi que nos fonds d’investissement en direction des entreprises se paye ici très cher. L’inaptitude chronique de l’Etat français à « entraîner » les financements privés dans son sillage est donc lourde de conséquences.

Un programme sans vision ni stratégie industrielles

Ce qui frappe dans un deuxième temps, c’est l’absence de vision de ce programme « France Relance ». On cherche bien sûr en vain l’Etat-Stratège qui, profitant – j’ose

le dire – de la crise, déciderait de palier enfin les carences structurelles de notre économie. Où se trouve l’allocation en moyens financiers et humains nécessaires au développement des dix plus grands projets d’avenir français, au rattrapage vital de notre recherche appliquée déficiente, aux relocalisations ciblées, à la recapitalisation des cinq ensembliers les plus emblématiques et au financement massif en fonds propres de nos PMI et ETI les plus fragilisées… bref à la ré-industrialisation de notre pays ?

Certes, on trouve quelques mesures substantielles comme le développement de l’hydrogène vert pour 2 milliards, à coupler avec les 3,4 milliards de financement en direction des marchés-clés des technologies vertes (de nouveau l’hydrogène avec les matériaux recyclés et lesbiocarburants). Mais à part le soutien aux secteurs de l’ aéronautique et de l’automobile pour (seulement) 2,6 milliards, le dérisoire soutien au nucléaire pour 200 millions (!) et le presqu’aussi dérisoire soutien au secteur spatial pour 515 millions, il n’y a guère que les 2,6 milliards de financement du numérique (cyber, cloud, quantique, intelligence artificielle,…) à associer aux 1,95 milliards alloués aux projets d’innovation des filières stratégiques qui obéissent, de façon significative, à une réelle logique d’anticipation de notre redéploiement industriel et de notre déploiement high-tech.

En réalité, ce sont uniquement quelques 15 milliards au maximum (sur deux ou trois ans je le rappelle) qui sont consacrés à la fois au renforcement de notre industrie traditionnelle, si mal-en-point, et à l’accélération des développements dans les secteurs de rupture technologique. C’est vraiment insuffisant. Et surtout, on perçoit clairement qu’aucune analyse ni consolidation sérieuses n’ont été élaborées par le gouvernement Castex et le ministère de l’économie de Bruno Le Maire en matière de protections, développements ou réimplantations indispensables dans les secteurs-clés de nos filières industrielles, énergétiques et agricoles.

On observe ainsi des impasses totales dans les domaines dubiomédical et des produits et équipements de santé dont la disparition de la fabrication sur notre territoire a pourtant été largement évoquée lors de la crise sanitaire. Idem pour l’ agro-alimentaire qui devrait être la « priorité des priorités » en termes de sauvegarde et de redéploiement au plan domestique. Où sont donc les financements de projets et procédés d’élaboration de produits de transformation à partir des produits agricoles de base qui manquent cruellement à la filière française et qui sont aujourd’hui fabriqués ailleurs et parfois très loin ?… dans les sous-filières du bois, des céréales, de la viande, des laitages,… pour ne citer que celles-ci.

Dans le cadre de la transition écologique et énergétique, où est le financement significatif de la géothermie industrielle, une des seules énergies renouvelables dignes de ce nom, connues à l’heure actuelle ? Et où se situe l’effort indispensable en matière denucléaire du futur ?… à savoir lathermo-fusion contrôlée et surtout la transmutation par laser dont la France peut s’honorer d’avoir un des plus grands savants en la personne de Gérard Mourou (prix Nobel de physique 2018) sur son sol.

Enfin, pour parachever une nécessaire vision globale de la ré-industrialisation, il aurait été judicieux de prévoir la réhabilitation d’un secteur amont-clé pour l’ensemble

de l’industrie, je veux parler de l’électronique avec la réimplantation d’unités de production de dimension mondiale de semi-conducteurs et surtout de micro-processeurs à partir du savoir-faire de STMicroelectronics par exemple. Et dans une perspective d’anticipation, il aurait été non moins stratégique de multiplier nos efforts dans les matériaux composites, domaine d’excellence de la France et secteur de plus en plus transversal pour l’ensemble de l’industrie.

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