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Désormais traqué par la justice japonaise, l’ancien patron de Renault-Nissan va devoir se réinventer dans un espace beaucoup plus limité.
Le calme est revenu ce week-end en haut de la rue du Liban, au coeur du quartier chrétien Achrafieh de Beyrouth. Les journalistes japonais qui campaient depuis début janvier, souvent sous la pluie, devant la grande villa rose aux volets bleus occupée par les Ghosn sont repartis. Sans image. Ou presque. Quelques clichés de deux gros SUV noirs aux vitres teintées sortant ou entrant du garage. Ils aimaient à croire que l’ancien patron de Renault-Nissan avait pris place à l’intérieur. Amusés par leur persévérance, les jeunes animateurs d’un talk-show libanais sont venus, sous l’oeil de leurs caméras, les nourrir, la semaine dernière, à la baguette de sushis made in Lebanon.
La maison au coeur d’une bataille judiciaire
Après son audacieuse évasion du Japon dans la nuit du 29 au 30 décembre , Carlos Ghosn s’était d’abord réfugié avec son épouse dans la résidence de ses beaux-parents. Il avait retrouvé leurs plus proches amis, dont le président de la Saradar Bank, pour un dîner chez la décoratrice May Daouk. Il était ensuite discrètement revenu s’installer, avant sa grande conférence de presse , dans la belle demeure qui est coeur de l’une des nombreuses batailles judiciaires l’opposant à Nissan, devant différents tribunaux de la planète. S’ils occupent en ce moment la maison à la suite d’une première décision de justice, les Ghosn n’en sont pas propriétaires et le groupe japonais espère parvenir à les en expulser dans les prochains jours.
Techniquement la maison appartient à la structure Phoinos Investments SAL. Cette petite société, fondée au Liban en 2012 par l’ancien avocat de Carlos Ghosn, est contrôlée par une entité juridique créée dans les îles Vierges britanniques à partir de fonds venus de l’entreprise Zi-A Capital BV, basée, elle, aux Pays-Bas, elle-même filiale officielle de Nissan Motor Parts Center BV. Un montage complexe imaginé par les anciens adjoints de Carlos Ghosn au sein du CEO Office de Nissan.
Quartier calme, central, plutôt aisé
Officiellement, Zi-A Capital avait été fondée en 2010 par le constructeur japonais pour investir dans des nouvelles technologies ou des start-up. Dotée d’un capital de 73 millions d’euros, elle devait être prête à bondir sur des opportunités uniques sans les lourdeurs administratives habituelles du siège. Mais, au final, l’entreprise a essentiellement investi dans de… l’immobilier.
Pour justifier l’achat d’une résidence au Liban, Carlos Ghosn avait expliqué qu’il avait besoin d’un pied-à-terre sûr pour travailler au développement des marchés de la marque dans la région. Il avait lui-même identifié la villa alors en très mauvais état. Pas d’électricité. Une plomberie à refaire entièrement. Des murs partiellement effondrés. Mais un quartier calme, central, plutôt aisé. A pied, il faut moins de 15 minutes pour rejoindre la jolie rue Gemmayzeh et ses galeries d’art. Et puis les parents de Carole sont tout près.
Phoinos Investments avait donc déboursé 9,4 millions de dollars pour l’acquérir. Puis avait encore dépensé 7,6 millions pour la rénover de fond en comble et assurer sa maintenance. Le couple s’était personnellement investi dans les travaux. « Ils ont mis beaucoup d’eux-mêmes dans cette maison », souffle une de leurs connaissances.
Le retour au Liban
Carole a fait travailler ses amies décoratrices, notamment May Daouk, et un designer d’intérieur pour créer une maison très lumineuse, habillée d’un mobilier couleur crème. Les murs, d’un gris léger, sont ornés de peintures contemporaines et de larges photos, dont une belle image du photographe de l’AFP Joël Saget montrant Carlos Ghosn de dos, faisant face à une meute de photojournalistes lors d’un Salon de l’auto de Paris.
Après une vie de nomade fortuné de la mondialisation, accumulant les adresses dans de nombreuses capitales, Carlos Ghosn s’était préparé, avec Carole, au retour au Liban. Chez lui. S’il est né au Brésil, en 1954, dans une famille d’émigrés libanais et y a vécu jusqu’à l’âge de six ans, c’est à Beyrouth qu’il a construit ses principaux souvenirs et ses réseaux d’amitié les plus forts, notamment au sein du Collège Notre-Dame de Jamhour, l’établissement jésuite privé fréquenté par les élites du pays. Il s’y arrachera pour aller passer son bac en France, intégrer une prépa puis Polytechnique. A ses amis, il dit garder de bons souvenirs de cette jeunesse française, mais il n’aura toujours été que de passage dans l’Hexagone, où il n’a jamais construit de réseaux aussi intimes que ceux tissés à Beyrouth.