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L’assurance-vie est le placement préféré des Français avec un montant total de 1.840 milliards d’euros : les trois-quarts en « fonds euros », c’est-à-dire investis en obligations et bénéficiant d’une garantie en capital, et un quart en « unités de compte » (UC), placées en actions mais ne bénéficiant pas de cette garantie. Les quelques 1.400 milliards d’euros en fonds euros constituent le principal produit d’épargne en France. Mais qu’en est-il de ses perspectives ?
Elles ne sont guère encourageantes, car les rendements baissent d’année en année pour se trouver actuellement en moyenne sous les 2% par an, et bientôt à 1%. La belle époque est terminée ; les rendements confortables appartiennent au passé. Pour prendre l’exemple du contrat de l’Afer, un des plus anciens et des plus connus : celui-ci rapportait 16,8% (son record) en 1983, avec 9,6% d’inflation cette année-là, soit un rendement réel très enviable (7,2%). Il offrait encore 10% de rendement au début des années 90, quand l’inflation avait été vaincue (3,4% en 1990), soit encore presque 7% de rendement réel. On partait de si haut qu’en 2000, avec 6% de rendement quand l’inflation s’établissait à 1,7%, c’était encore un placement de choix. Désormais, la fête est terminée. Ce contrat rapporte 1,7% en 2020, avec 0,5% d’inflation, soit un petit 1,2% de rendement réel…
Nous sommes encore dans le vert, mais ce résultat est menacé dans les années à venir par le retour de l’inflation. La hausse des prix est déjà clairement visible aux États-Unis, où l’on est sur une tendance à 4-5% annuel, et elle apparaît en Europe, ce qui commence à se voir dans les indices. L’inflation ressort à 2,4% sur un an en Allemagne, ce qui inquiète déjà outre-Rhin. Surtout, de fortes augmentations concernent toute une série de produits comme les matières premières, les matériaux de construction, le gaz, l’électricité, ou des produits finis comme les semi-conducteurs, du fait de pénuries (ou de fabricants qui restreignent leurs ventes en attendant la hausse des prix, un phénomène malsain typique des périodes inflationnistes).
Ceux qui vendent de l’assurance-vie, les assureurs et les banquiers, peuvent-ils réagir ? Non, et c’est tout le problème. Certes, si l’inflation repart, les taux d’intérêt vont aussi se mettre à remonter, quelques temps après. Mais les assureurs ne peuvent pas bazarder toutes leurs obligations à taux zéro afin d’acquérir les nouvelles qui rapportent plus. Cela provoquerait un effondrement des cours et un krach obligataire, et de toute façon – c’est leur manière de fonctionner – ils gardent leurs obligations jusqu’à l’échéance. Il y a donc une formidable inertie, qui profite au souscripteur lorsque les taux d’intérêt baissent (période 1980-2020), mais qui le désavantage lorsqu’ils remontent, car il lui faudrait attendre une dizaine d’années pour enfin profiter de rendements alléchants. Tout cela en faisant l’hypothèse que la hausse des taux d’intérêt ne fasse pas exploser la montagne de dette publique et privée, puis ne provoque une crise dantesque, ce qui est extrêmement peu probable…
On peut donc prévoir que l’assurance-vie va perdre le peu d’attrait qui lui reste dans les années à venir et qu’une part importante des souscripteurs voudront s’en détourner. D’autres problèmes risquent alors de survenir, comme celui du blocage des fonds, explicitement prévu par la loi Sapin 2. Des départs massifs de clients obligerait les assureurs à vendre une partie des obligations qu’ils détiennent, faisant ainsi chuter leur cours, et posant de graves problèmes à l’État pour se refinancer. Il suffirait alors d’interdire ces départs, tout simplement, et c’est prévu par la loi (« restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs » etc., article L. 631-2-1 du Code monétaire et financier). Les Français sont collectivement prisonniers de leur assurance-vie mais ils l’ignorent, pour le moment.
Conclusion ? Il faut peut-être se poser les bonnes questions dès maintenant, et ne pas attendre les mouvements de foule…
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