Le locatif à l’heure des risques


Investir dans l’immobilier locatif reste le moyen le plus simple de diversifier son patrimoine vers un produit sûr et durable. Mais si le marché de la pierre reste dynamique, plusieurs indicateurs laissent présager un retournement et doivent être suivis de près.

Les particuliers lassés des yoyos des marchés boursiers et souhaitant mettre leur capital à l’abri adoptent tous la même stratégie : ils achètent de l’immobilier. Actif préféré des Français, la pierre est un bien tangible, qu’il est possible d’occuper ou de louer pour en tirer des revenus. Et elle a le vent en poupe depuis la fin de la crise sanitaire. La raison ? De la mi-2020 à la fin 2021, les taux de crédit ont flirté avec leurs plus bas niveaux, ce qui a permis à beaucoup de ménages d’augmenter leur budget d’achat et d’investir. « A cette période il était possible de s’endetter sur 20 ans à moins de 1 %, un taux exceptionnel et jamais atteint précédemment », rappelle Ludovic Huzieux, cofondateur d’Artémis courtage. En parallèle, les taux des placements sans risque se sont effondrés, faisant de l’immobilier l’un des derniers eldorados rentables. Revers de la médaille : la hausse des prix, limitée à quelques zones comme Paris, sa première couronne, le cœur des grandes métropoles (Bordeaux, Lyon, Nantes…) s’est diffusée sur tout le territoire. Mais depuis ce printemps, la conjoncture change, à tel point que certains s’interrogent sur l’opportunité de réaliser un investissement immobilier dans les mois à venir. Plusieurs éléments doivent être examinés avec attention.

I. indicateurs sous surveillance

Prix plafondS : ils pèsent sur la demande

Après la crise sanitaire, les villes où les prix étaient restés raisonnables ont subi une ruée d’investisseurs, appâtés par la perspective d’obtenir des taux de rendement supérieurs à 5 %. Mais en face, l’offre de logements à vendre n’a pas augmenté dans les mêmes proportions. « Nous avons fait face à une forte pénurie de biens et les prix ont grimpé de mois en mois, car une large part d’investisseurs, surtout ceux extérieurs à notre ville, ont suivi les prétentions des vendeurs sans discuter », confie Philippe Descampiaux, directeur des agences Citya-Descampiaux à Lille. A titre d’exemple, selon Meilleursagents, sur les deux dernières années, les progressions de prix ont atteint 19 % à Angers, 14 % à Reims, 13 % à Marseille, 12 % à Saint-Etienne et Toulon, 11 % à Tours et 10 % au Havre et à Toulouse. En parallèle pourtant, le revenu des acquéreurs n’a pas autant progressé. « S’ils ont pu maintenir leur pouvoir d’achat pendant quelques temps, en réinvestissant l’épargne mise de coté pendant le confinement et profitant de taux de crédit très bas, ce n’est plus le cas aujourd’hui », note Henry Buzy-Cazeaux, président de l’Institut du management des services immobiliers (IMSI). La conséquence immédiate est que depuis le début de cette année, les prix ne progressent plus. « Dès qu’un logement est à rafraichir ou à rénover, les acheteurs font des propositions plus basses pour intégrer le prix des travaux ; s’il est en parfait état, il peut se vendre rapidement, mais jamais au-delà du prix estimé, malgré les espoirs des propriétaires d’en obtenir plus », confie Anne Monard Bretin, directrice de Guy Hoquet Immobilière du Plateau à Lyon. C’est la grande inquiétude des professionnels : comme à chaque retournement de cycle, les vendeurs n’ont pas intégré que la conjoncture avait changé. Si une large majorité d’entre eux n’ajuste pas rapidement leurs tarifs, le marché immobilier risque de se gripper. « Une grande proportion continue à mettre en vente à 5 % ou 10 % de plus que notre fourchette haute d’estimation et ils n’acceptent de baisser leurs prix qu’au bout de quelques mois, une fois qu’ils ont constaté qu’il n’y avait pas ou peu de visites », relate Nicolas Begoc, directeur de Century21 Brest. Or pendant cette période de « retour à la réalité », les panneaux « à vendre » fleurissent sur les façades, et les nouveaux acquéreurs voient les prix des annonces s’éroder, ce qui les incite à reporter leur achat dans le temps. Bref, la spirale à la baisse semble enclenchée. « La correction ne sera pas homogène et les prix vont baisser plus fortement là où le pouvoir d’achat des acquéreurs a le plus diminué, c’est-à-dire dans les zones déjà chères, comme Paris ou les centres de grande métropoles », estime Thomas Lefevre.

Clignotant : orange

Evolution probable : légères baisses de prix d’ici la fin de l’année.

A retenir : si l’achat est à crédit, il ne sert à rien d’attendre une baisse des prix, car la hausse des taux annihilera l’économie. Mieux vaut profiter de la période pour négocier une décote du prix d’achat.

Neuf : le marché est au point mort

Le confinement a mis un coup d’arrêt aux programmes neufs, avec une suspension des constructions et un allongement des délais d’instruction des permis de construire. Les chantiers n’ont pas redémarré immédiatement après le déconfinement, faute d’avoir obtenu les autorisations dans les temps. Par ailleurs, les promoteurs ont rencontré des difficultés d’approvisionnement et, surtout, ont du faire face à une explosion des prix des matériaux de construction. Beaucoup ont donc gelé des projets en cours, en attendant de pouvoir se fournir moins cher, une fois la chaîne logistique mondiale rétablie. Conséquence immédiate, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), entre les premiers trimestres 2021 et 2022, les ventes de neuf se sont effondrées de 20 % et le nombre de logements neufs mis en vente a chuté de 30,5 %. Aujourd’hui, « l’offre commerciale poursuit sa baisse dramatique, entamée fin 2018, et le stock de logements neufs à la vente ne représente plus que 7,7 mois de commercialisation, loin de l’idéal de 12 mois. C’est le niveau le plus bas depuis la création de notre observatoire en 2012 », confie Pascale Boulanger, président de la FPI France. En raison de cette pénurie, les investisseurs qui ne trouvent pas leur bonheur dans l’ancien ne peuvent quasiment plus se reporter sur le neuf.

Clignotant : rouge

Evolution probable : prix élevés et pénurie de biens au moins jusqu’à mi-2023.

A retenir : il est très compliqué aujourd’hui de trouver un investissement en Pinel à un tarif qui permette d’assurer la rentabilité de l’opération.

Crédit : de moins en moins d’acheteurs finançables

C’est le grand sujet en ce moment, car en quelques mois, les taux de crédit ont bondi. « Un prêt sur 20 ans coûtait en moyenne 1 % en janvier et 1,55 % fin mai », rappelle Cécile Roquelaure, directrice de la communication d’Empruntis. Même constat pour les meilleurs profils, qui pouvaient se financer à 0,75 % au début de l’année et ne trouvent pas mieux que 1,25 % aujourd’hui. Cette hausse va continuer dans les mois à venir, car le retour de l’inflation pousse la Banque Centrale à ajuster ses taux directeurs à la hausse. Une décision déjà intégrée par le marché, car le taux des Obligations assimilables du trésor (OAT) est passé à 1,50 %. « La dernière fois que cela est arrivé c’était en 2014 et à l’époque les taux d’emprunt était à 3 % », rappelle Sandrine Allonier, directrice de la communication de Vousfinancer. Cette hausse des taux de crédit a aussi un impact, à cause… du taux d’usure. Légalement aucun établissement financier ne peut prêter au-delà de ce plafond. Calculé chaque trimestre par la Banque de France, il correspond à la moyenne des taux de crédit accordés au trimestre précédent. Le souci ? Les taux de marché ayant brutalement augmenté en mars, cette hausse ne s’est que partiellement répercutée dans le taux d’usure publié en avril. La conséquence immédiate ? « Pour les prêts de plus de 15 ans, les taux d’emprunt flirtent avec ceux d’usure, en intégrant le coût de la garantie du crédit et de l’assurance emprunteur, ils le dépassent et les dossiers ne sont plus finançables », explique Sandrine Allonier. Comme les taux risquent de franchir un nouveau pallier cet été, le phénomène risque de durer jusqu’au mois d’octobre…

Outre ce souci de réglementation de l’usure, les banques affichent aussi une frilosité accrue et sont en train de refermer les vannes du crédit. Car comme les taux de crédit restent bas, ils ne permettent pas de rémunérer le risque. « Les établissements financiers se couvrent au maximum, ils étudient donc davantage les dossiers et en refusent davantage », affirme Cécile Roquelaure. Même les investisseurs qui disposent d’un bon pouvoir d’achat sont touchés par ce durcissement. Pour décrocher un prêt, ils doivent désormais montrer patte blanche. « Les banques exigent un apport de 15 ou 20 % et calculent la solvabilité en tenant compte du prix d’achat du logement et du montant des travaux envisagés », précise Sandrine Allonier.

Clignotant : rouge

Evolution probable : les taux vont augmenter et la sélectivité restera élevée jusqu’à la fin de l’année.

A retenir : il faut préparer son dossier en amont d’un achat et ne pas hésiter à augmenter son apport pour profiter des meilleures conditions.

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