L’insoutenable légèreté de l’immobilier

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L’immobilier en cette toute fin d’année 2020 va insolemment bien. On s’étonne même de sa grande résilience. Une sorte de légèreté dans l’univers grave dans lequel nous vivons. Pas de crise pour l’immobilier, semble-t-il. Tous les observateurs pourtant ne s’accordent pas sur ce diagnostic et voient, derrière la santé, l’asthénie qui se profile. Le sujet est majeur : selon qu’on anticipe ou pas une année 2021 difficile, la politique à mener ne sera pas la même. En fait, tous les indicateurs sont dégradés. À ce jour, l’impression prévaut que le gouvernement ne s’inquiète pas. Pis : il déploie de grands efforts pour créer de nouvelles contraintes pour l’immobilier, toutes vertueuses, liées à la transition énergétique ou aux économies budgétaires.

Les plus récentes, qui sont passées inaperçues dans le brouhaha des mauvaises nouvelles sanitaires, méritent qu’on les rappelle tant elles semblent hors sol par rapport à la situation du pays. D’abord, ce sont les tractations entre le Président Macron, les ministres concernés, Barbara Pompili en tête, et la Convention citoyenne pour le climat, pour un projet de loi à paraître au début de janvier. Les propriétaires bailleurs seront-ils empêchés de louer leur bien dès 2028, sinon plus tôt, s’ils ne l’ont pas mis aux normes énergétiques requises ? Quelles obligations pour les propriétaires occupants ? En tout cas, s’agissant des travaux de transition énergétique, on n’est pas passé loin d’une bien mauvaise décision : les sénateurs de la majorité présidentielle, soutenus par le gouvernement, ont tenté d’imposer un amendement limitant le bénéfice de la TVA à taux réduit aux travaux réalisés par les entreprises titulaires du label RGE (reconnu garant de l’environnement), soit 20% des 320.000 entreprises en bâtiment de France. C’est aussi pour les constructions neuves et les réhabilitations lourdes la norme RE2020 qui a vu le jour, et qui s’impose au 1er janvier. Les organisations professionnelles du bâtiment se sont plaintes qu’aucune concertation n’ait précédé l’établissement définitif de cette norme, qui va enchérir les coûts de production au plus mauvais moment.

Un autre exemple de ce pays tracassier ? Les nouveaux critères définis par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) pour l’octroi des prêts immobiliers ont été salués par la communauté des acteurs du crédit. Ils s’étaient battus avec la dernière énergie pour que l’excessive sévérité prudentielle imposée en novembre 2019 soit assouplie, notamment eu égard à la crise. Alors ils se sont réjouis que la durée maximum de 25 ans soit portée à 27 ans, seulement pour les logements neufs, que le taux maximum d’endettement soit rehaussé de 33% à 35% et que les banques puissent déroger à ces exigences pour 20% de leur production au lieu de 15% précédemment. La contrepartie de cette mansuétude du Haut conseil et du ministre de l’Économie, qui le préside, est indigeste : ce qui n’était que des recommandations en novembre 2019 devient des oukases et les établissements qui ne les respectent pas de façon stricte seront durement sanctionnés. Bref, Bercy joue les big brother envers des banques qui ont été au rendez-vous du traitement de la crise, notamment en distribuant le prêt garanti par l’État et en soutenant les entreprises et les commerces, et qui n’ont jamais surendetté les ménages par l’immobilier. Encore et toujours des libertés réduites, et le choix de déresponsabiliser les établissements financier plutôt que de leur faire confiance.

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