Pourquoi et comment réformer notre chère Sécu ?

Le déficit public de la France en 2020 a été de 211,5 milliards d’euros.

En dépit de tous ses défauts, notre bonne vieille Sécu nous rend des services dont nous ne saurions pas nous passer : que ferions-nous sans prise en charge des frais inhérents au traitement d’une longue maladie ou d’un grave accident ? Comment vivrions-nous sans pension à la fin de notre activité professionnelle ? Aurions-nous globalement suffisamment d’enfants si le coût de leur instruction n’était pas réparti entre ceux qui en ont beaucoup et ceux qui en ont peu ou point ?

La sécurité sociale est l’institution phare parmi celles qui apportent des éléments de solution à ce genre de problème. Elle n’est pas la seule : par exemple, l’instruction fournie aux enfants et aux jeunes est financée par le budget de l’Etat. Autre exemple important, les pensions de retraite ne sont pas un monopole de la Sécu, majoritairement les Français perçoivent ou se préparent une ou des pensions dites « complémentaires ».

La Sécu, dans son périmètre actuel, est donc une institution parmi celles qui fournissent aux Français des services les protégeant contre le risque de ne pas pouvoir faire face à certains évènements malheureux ou à des investissements nécessaires, notamment en vue de leur retraite. Elle est la plus importante de ces institutions, mais cela ne nous autorise pas à faire comme si elle était la seule. Par exemple, la gratuité de l’enseignement s’apparente à celle des soins hospitaliers. Nous devons analyser le rôle de l’institution sécurité sociale comme celui d’une pièce dans un dispositif ; pièce maîtresse, mais qui fait partie d’un ensemble.

Cela implique que les analyses et propositions qui constituent le présent document ne portent pas exclusivement sur la Sécurité sociale stricto sensu : l’analyse de la fonction retraite, par exemple, doit prendre en compte en sus de la retraite de la Sécu non seulement les retraites complémentaires et les régimes spéciaux, dont celui des fonctionnaires, mais aussi l’investissement dans la ressource humaine qui est au cœur de toutes les retraites dites « par répartition », et les retraites par capitalisation, même si elles sont sous-développées dans notre pays.

1/ Une institution appréciée, mais dont le devenir inquiète

Les Français, quand ils sont consultés au sujet de la Sécu, manifestent, à la fois, de l’attachement et de l’inquiétude. Deux exemples :

1.1. Un sondage Odoxa de décembre 2016 relatif à l’assurance maladie donnait un beau satisfecit au système français, jugé « bon » et « meilleur que celui des autres pays » par 84 % des personnes interrogées. Mais l’inquiétude pour l’avenir était forte : 58 % se disaient « assez inquiets », et 16 % « très inquiets ». Encore plus majoritairement, à 79 %, ils estimaient que notre système d’assurance maladie est « en danger ». Seuls 41 % le jugeaient viable à long terme.

1.2. Un sondage Harris interactive de décembre 2019 concernait à la fois l’assurance maladie et la retraite. L’inquiétude pour l’avenir y apparait forte : 68 % estimaient que l’assurance maladie, à l’avenir, prendra moins bien en charge les frais de santé ; et 57 % disaient ne pas faire confiance au système de retraites par répartition (34 % « plutôt pas » et 24 % « pas du tout »). Questionnés sur leur choix entre retraite par répartition et retraite par capitalisation(i), les jeunes manifestaient leur méfiance à l’égard de la répartition : la capitalisation l’emporte par 40 % contre 30 % pour les 18-24 ans, et par 37% contre 33 % pour la tranche d’âge 25-34 ans. Au-delà, la répartition prend la tête, mais il se trouve encore 22 % de partisans de la capitalisation, et seulement 58 % de la répartition, parmi les personnes de 55 à 64 ans, c’est-à-dire parmi celles qui ont déjà engrangé la totalité ou une grosse majorité de leurs droits en répartition. Cela montre que la confiance n’est pas vraiment au rendez-vous ! Et pose un problème : les Français perçoivent-ils bien la complémentarité qui existe entre les deux sortes de retraites ?

1.3. Les Français ont compris que leur sécurité sociale n’est pas en bonne forme, et ils s’inquiètent. Les difficultés de mise en place d’un système unifié de retraites par répartition, difficultés qui résultent pour une bonne part de l’amateurisme manifesté en la matière par les pouvoirs publics, ne contribuent évidemment pas à dissiper le sentiment d’être embarqués sur un bateau vieillot dont les officiers et l’équipage n’ont pas les qualités requises pour effectuer une traversée difficile.

1.4. Les changements de personnes en charge de cette réforme délicate n’ont rien arrangé. Agnès Buzyn, médecin nullement préparé à s’occuper d’une méga-réforme des retraites, a quitté son poste de ministre des Solidarités pour aller candidater à la mairie de Paris ; a-t-on jugé, en haut lieu, qu’elle ne faisait pas l’affaire pour cette réforme clé ? Peu avant, Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire puis secrétaire d’Etat chargé de la réforme des retraites, qui avait animé une très longue concertation à ce sujet avec les organisations syndicales et patronales, et présidé à la rédaction d’un rapport présentant les grandes lignes d’une importante réforme des retraites, avait été démissionné pour d’obscures histoires d’erreurs et omissions de déclarations d’intérêt à la Haute autorité de la transparence de la vie publique. On croirait assister à un vaudeville de Labiche !

1.5. La crise du coronavirus a révélé des cas de gestion publique aberrante, comme la vente en 2018 du principal fabricant de masques sanitaires français à une entreprise américaine, laquelle s’est empressée de délocaliser totalement la production dans un pays à main d’œuvre bon marché et d’envoyer à la casse un matériel en parfait état de marche(1). Et ce n’est qu’une des grosses bêtises qui ont été commises dans le domaine médical par les autorités responsables des affaires de santé et d’assurance maladie ; citons-en simplement deux autres, qui devaient soi-disant engendrer des économies :

– La suppression dans les hôpitaux, depuis des années, de lits qui constituaient l’indispensable réserve de sécurité, sans coûter grand-chose : l’arrivée de la pandémie a rendu manifeste la sottise de cette décision bureaucratique.

– Le numérus clausus relatif aux études de médecine fut abaissé durant plus de vingt ans (de 1983 à 2004) à la moitié de ce qu’il aurait fallu pour ne pas avoir aujourd’hui une pénurie de médecins qui, très gênante dans les circonstances ordinaires, est proprement dramatique en cas d’épidémie. Les pouvoirs publics ont fait le choix de soi-disant économies qui diminuent l’efficacité de notre système de soins tout en augmentant in fine les dépenses de la sécu parce qu’il faut bricoler des solutions d’urgence. Ce choix catastrophique doit nous faire réfléchir à la gestion bureaucratique qui empêche la hiérarchie médicale de prendre les décisions requises pour que les hôpitaux prodiguent les meilleurs soins sans ruiner contribuables et cotisants.

1.6. Deux livres récents doivent être cités à cet égard : Adieu Sécu, de Claude Frémont, directeur d’une Caisse Primaire d’Assurance Maladie ; et Hôpital, ce qu’on ne vous a jamais dit, de Michaël Peyromaure, chef de service dans un hôpital parisien. Le premier a lutté contre les fraudes, ces fraudes également étudiées et dénoncées par un magistrat, Charles Prats, dans Cartel des fraudes (Ring, 2020) et par Isabelle Saporta, dans Rendez-nous la France (Fayard, 2020). Le second pose un diagnostic qui se passe de commentaire : « Tenu par une administration souvent déconnectée, minée par le corporatisme, géré par des ministres trop souvent irresponsables, l’Hôpital s’enlise dans une gestion quotidienne parfois chaotique ».

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