Revenu, patrimoine ou les deux : qui se sent riche aujourd’hui ?


L’Observatoire des inégalités a publié un nouveau rapport sur les riches en France. L’Hexagone compterait 4,5 millions de personnes aisées (gagnant plus de 3.673 € après impôt ou ayant 490.000 € de patrimoine).

Quelle est la réalité pour les Français derrière ces conclusions ?

Atlantico : Dans un article publié en 2019, Qui se sent riche en France ?, vous reveniez sur le rapport 2019 sur les inégalités, de l’Observatoire des inégalités. Selon cet organisme, dans son nouveau rapport, la France compterait ainsi 4,5 millions de personnes aisées, c’est-à-dire gagnant plus de 3673 € après impôt ou ayant 490 000 euros de patrimoine. Dans quelle mesure regarder uniquement ces données donne une vision incomplète de qui sont les riches ?

Nicolas Duvoux : D’abord, il faut rappeler que l’Observatoire des inégalités joue un rôle très utile en mettant ces questions sur la table. Quand Louis Maurin dit qu’il faut poser des critères pour la richesse et pas seulement pour la pauvreté, c’est une démarche importante. Ensuite, nous avons appris, grâce aux travaux de Thomas Piketty notamment, que la question du patrimoine est centrale pour saisir les recompositions de la richesse. Donc un chiffre fixant un seuil de revenus, c’est insuffisant, même si toute fixation de seuil a l’évident intérêt d’ouvrir un débat. Mais il faut intégrer le patrimoine. C’est une composante de plus en plus importante et de plus en plus rattachée à l’héritage, et non à la capacité individuelle de constituer un patrimoine. J’ai la conviction que la question des frontières sociales et de leurs perceptions par les intéressées ne se joue pas seulement sur des questions de revenus, il faut les articuler avec le patrimoine. Par ailleurs, il est pertinent de s’intéresser aux classes moyennes supérieures et pas seulement au 1%, mais il y a des capacités de contrôle (médiatique, économique, politique) de ces derniers qui sont essentielles à appréhender. Cela reste une focale difficile à objectiver mais c’est une démarche à poursuivre. Il y a une dimension élitaire de la société que le seul de 3673 € ne met pas bien en lumière. Il faut, à mon sens, conjuguer l’intérêt pour une approche élargie de la richesse et du privilège, qui transparaît dans de nombreux travaux de l’Observatoire des inégalités (que ce soit la fixation d’un seuil de richesse ou des privilèges que détient la bourgeoisie culturelle et sur lesquels elle opère un déni) et celle sur le 1% pour faire simple.-

Qui sont les riches aujourd’hui ? Surprise, l’accumulation de fortune est « moins inégalitaire » qu’avant

Dans votre étude Class and relative wealth accumulation in five European countries: Sociological Lessons from the Household Financial and Consumption Survey (European Central Bank, 2014 Wave) vous essayez entre autre d’apporter une vision plus fine de qui sont les riches. Quelles sont vos conclusions ?

Le point qui nous intéressait, était de dire qu’il fallait regarder, au-delà des très très riches, les effets de la diffusion du patrimoine à la moitié supérieure de la distribution. Piketty a surtout été lu comme quelqu’un qui soulignait l’importance des super-riches alors que son travail souligne aussi l’importance de l’existence de ce qu’il appelle la « classe moyenne patrimoniale ». En dessiner les contours et l’intégrer à la réflexion sur la structure sociale est essentiel. L’idée est donc de croiser revenu et patrimoine, car les deux comptent. L indicateur que nous avons retenu, c’est le ratio capital-revenus : le nombre de fois où il faut multiplier le revenu brut annuel pour obtenir le stock de patrimoine net. Cet indicateur introduit une relation qui permet de décrire à nouveaux frais la hiérarchie des classes sociales. Et ce que l’on observe c’est que la hiérarchie des classes reste déterminante de la richesse, donc des niveaux de revenus et de patrimoine relativement au revenu.

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