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En cette période de confusion des idées, où certains vont jusqu’à enlaidir leur demeure aux couleurs morbides d’Halloween avant d’aller paradoxalement se recueillir le lendemain sur les tombes de leurs disparus, j’ai jugé utile de vous parler des idées zombies en économie après avoir écrit entre autres sur la perte de sens du travail, le déficit extérieur de la France et les baisses de salaires liées à la concurrence au sein de l’UE. Il s’agit donc aujourd’hui d’évoquer des théories qui, bien qu’ayant été infirmées empiriquement, continuent à être avancées comme des certitudes au point même de servir de substrat à des programmes politiques.
La théorie du ruissellement
Toute la politique économique d’Emmanuel Macron repose sur l’illusoire théorie libérale du ruissellement, selon laquelle il faudrait favoriser les plus riches afin qu’à terme tout le monde en profite. En effet, selon cette approche, si les riches ne sont pas entravés par trop de réglementations ou d’impôts, ils investiront et consommeront des biens et services, ce qui aura en fin de compte des répercussions positives pour toute l’économie, en particulier pour ceux (écrasés) qui sont tout en bas de la pyramide capitaliste.
Mieux, comme les riches ont une propension à épargner supérieure à celle des pauvres, tout surcroît de richesse leur servira à épargner plus ; et qui dit augmentation de l’épargne dit aussi augmentation de l’investissement selon la théorie néoclassique dominante, donc de la croissance et de l’emploi.
[ Source : Mediapart ]
Curieusement, Bruno le Maire qualifiait lui-même cette théorie du ruissellement « d’ânerie » (ce qui est une vérité empirique et historique), ce qui ne l’empêche nullement de mener une politique économique (baisse de l’ISF, impôt forfaitaire sur les revenus du capital…) basée précisément sur cet a priori erroné…
Le théorème de Schmidt
Il s’agit d’un enchaînement popularisé par le chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt en 1974, qui lui vaut désormais le nom de théorème de Schmidt (sic !) : baisse des impôts et cotisations sur les entreprises => hausse des marges => hausse de l’investissement => hausse des emplois.
Sauf que ce théorème n’a que très rarement fonctionné dans nos économies, en particulier parce qu’il escamote tout l’apport keynésien sur la demande anticipée : une entreprise qui n’a pas de visibilité à moyen terme n’investit pas ! La France en a fait l’amère expérience depuis le tournant de la rigueur en 1983, où pour reconstituer les marges des entreprises les gouvernements ont préféré sacrifier les salariés, ce qui n’a évidemment pas débouché sur la hausse espérée de l’investissement productif.
Au contraire, on assiste à une hausse de la détention de cash (actifs monétaires et financiers) par les entreprises, qui termine le plus souvent dans le rachat d’actions pour gonfler artificiellement les cours de Bourse, comme c’est manifestement le cas aux États-Unis :
[ Source : Natixis ]
Enfin, faut-il rappeler que l’investissement n’est pas nécessairement générateur d’emplois, notamment lorsqu’il consiste à remplacer des outils obsolètes ou à rationaliser les coûts. Il n’en demeure pas moins que ce théorème de Schmidt reste à la base de la politique de l’offre, qui consiste à réduire les prélèvements supportés par les entreprises, afin d’améliorer leur compétitivité-coût et ainsi relancer l’investissement privé et donc l’emploi. Cette politique s’appuie par conséquent sur la réduction des dépenses publiques et la flexibilisation du marché du travail, dont on sait pourtant qu’elle est déjà importante en France et qu’elle est loin d’être source de croissance. Toute ressemblance avec la politique économique menée par Emmanuel Macron n’est à l’évidence pas fortuite…
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