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« La Bourse, temple de la spéculation » est une phrase choc que l’on trouve dans le Manuel du spéculateur à la Bourse, publié en 1853 par Pierre Joseph Proudhon. L’image avait déjà été employée par Karl Marx et fera florès notamment dans la littérature du XIXe siècle (Maupassant, Zola…). C’est pourquoi, après mes billets sur la financiarisation de l’économie et ses conséquences mortifères, je vous propose un petit retour dans le passé en commentant très brièvement certains passages de ce livre de Proudhon, dont les références se rapportent à l’édition de 1857, disponbiel en ligne.
De la définition de la spéculation
Son manuel se veut, certes, une description très pédagogique du fonctionnement réel de la Bourse, mais aussi une charge lourde contre les pratiques boursières de son époque. Pour éviter tout contresens, il faut garder à l’esprit que Proudhon ne condamne pas la spéculation par nature, en ce qu’elle encourage le développement économique et le progrès technique (on se rapproche ici de la description de l’entrepreneur faite par Schumpeter) : « En tant qu’il sert de compensation au risque que toute spéculation productive emporte avec elle, l’agio est légitime » (p.19).
Mais son détournement par des spéculateurs qui cherchent la richesse sans risque est détestable, car alors le spéculateur ne crée aucune nouvelle entreprise et se contente d’espérer des rendements mirobolants de son investissement. Ce genre de spéculateurs, les agioteurs comme l’on disait au XIXe siècle, font alors travailler leur argent sans aucun apport/utilité pour la société. « Recherché pour lui-même, indépendamment de la production spéculative, l’agio pour l’agio enfin, il rentre dans la catégorie du pari et du jeu, pour ne pas dire de l’escroquerie et du vol : il est illicite et immoral. La Spéculation ainsi entendue n’est plus que l’art, toujours chanceux cependant, de s’enrichir sans travail, sans capital, sans commerce et sans génie ; le secret de s’approprier la fortune publique ou celle des particuliers sans donner aucun équivalent en échange : c’est le chancre de la production, la peste des sociétés et des États. » (p.19).
Les délits d’initiés
Sa charge contre les délits d’initiés n’a du reste pas pris une ride : « La plupart des spéculations de Bourse, qu’elles aient pour objet les fonds publics ou les valeurs industrielles, reposent aujourd’hui, soit sur des éventualités plus ou moins ingénieusement calculées, et dont la cause première est généralement l’État ; soit sur des secrets dérobés aux compagnies ou à l’État ; soit enfin sur la faveur, l’indiscrétion, la connivence ou la vénalité présumée des administrateurs de compagnies et des fonctionnaires de l’État. À cette heure la spéculation n’est plus un jeu où chacun a le droit de faire tout ce que la loi ne défend pas, et de corriger, autant que le permet la prudence, les caprices du hasard. C’est une réunion de tous les délits et crimes commerciaux : charlatanisme, fraude, monopole, accaparement, concussion, infidélité, chantage, escroquerie, vol. » (p.23).
Proudhon développe alors sur plusieurs pages de multiples exemples de délits d’initiés qui, il est vrai, se comptaient par légion au XIXe siècle : chemins de fer, mines, poterie, etc. Ajoutons avec Émile Zola, dans son roman L’argent, que « l’argent est le fumier dans lequel pousse l’humanité de demain. Le terreau nécessaire aux grands travaux qui facilitent l’existence« .
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