La bulle immobilière menace ! Peut-on freiner l’envolée des prix ?

A votre avis, quel est le métier qui fait rêver les jeunes aujourd’hui ? Pilote de chasse ? Non. Pompier ? Vous n’y êtes pas. Vétérinaire ? Data scientist ? Animateur d’émission de téléréalité ? Encore raté ! Non, en 2020, la profession qui attise les passions, c’est celle… d’agent immobilier. Dans le dernier classement réalisé par le réseau social professionnel LinkedIn, nos traditionnels vendeurs de belles propriétés, en costume deux-pièces ou plus derrière leurs vitrines lustrées, occupent la troisième marche du podium, derrière les futuristes DPO (délégués à la protection des données) et les ingénieurs en intelligence artificielle. Sans doute, le célèbre chasseur d’apparts Stéphane Plaza avec son émission à plus de 800.000 téléspectateurs et ses 450 agences disséminées sur le territoire y est-il un peu pour quelque chose. Mais les auteurs de l’enquête avancent une autre explication : la baisse des taux d’intérêt, qui a fait exploser le marché immobilier ces dernières années, et avec lui le chiffre d’affaires des agences immobilières. Elles ont encore engrangé 7% de plus l’an dernier, profitant largement des transactions record enregistrées cette année.

Mais où donc s’arrêtera la flambée de la pierre ? Après vingt ans de hausse quasi continue, on aurait pu s’attendre à ce que les prix fassent au moins une petite pause. Eh bien non, ils continuent de battre record sur record. A Paris, la barre symbolique des 10.000 euros le mètre carré a été franchie fin septembre et les vendeurs continuent de demander toujours plus. Les indicateurs des avant-contrats des notaires anticipent un tarif de 10.500 euros le mètre carré en avril 2020. En province aussi, c’est la fête pour les vendeurs. A Lyon et à Nantes, l’envolée dépassait 10% sur un an à fin septembre, Rennes affichant pour sa part un bond de 7,6%, à peu près comme Saint-Etienne. Certes, d’autres villes affichent des hausses plus raisonnées, comme Bordeaux (+1,5%), Lille (+1,2%), Marseille (+0,7%) ou encore Le Havre (+0,5%). Mais pour l’ensemble de l’Hexagone les prix continuent de grimper de 5,5% en moyenne, sur un an, selon les notaires. Et l’inflation des tarifs ne semble toujours pas rebuter les acheteurs : l’an dernier, les notaires ont enregistré le chiffre record de 1 059. 000 ventes. « La fièvre n’est pas près de retomber, car la spéculation est extrêmement forte », prévient Thibault Dutreix, directeur général du promoteur Coffim.

Les taux des crédits immo au plus bas

Il faut dire que le niveau incroyablement bas des taux d’intérêt ne cesse d’alimenter la frénésie. En 2019, ils ont encore continué de se rétracter, pour tomber à 1,12% en moyenne, toutes durées confondues. Pour les emprunteurs, c’est le jackpot ! Avec une mensualité de 1.000 euros, ils peuvent désormais obtenir un peu plus de 200.000 euros de crédit sur vingt ans. Et les banques ne se sont pas fait prier pour ouvrir les vannes des crédits. « Pour capter la clientèle, elles ont élargi leurs critères d’octroi et se sont mises à prêter sur des durées plus longues, parfois sans exiger le moindre apport », confirme Sandrine Allonier, porte-parole du courtier en crédits Vousfinancer. Du coup, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) notait une augmentation de deux ans de la maturité moyenne des nouveaux crédits depuis 2015 qui s’établit désormais à vingt ans et demi.

Le problème, c’est que, même en les étirant comme du chewing-gum, cela ne suffit plus à ouvrir le marché aux primo-accédants. « Le décalage entre la hausse des prix et les revenus de ceux qui ne possèdent aucun bien immobilier est devenu trop important. Par conséquent, la part des primo-accédants dans les ventes est passée de 40% il y a un an à seulement 28% aujourd’hui », souligne Thomas Grjebine, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). Dans les grandes villes, et en particulier à Paris, ces ménages, jeunes pour la plupart, en sont quittes pour demeurer locataires. Ce processus contribue à accroître les inégalités. Et il va sans doute se renforcer dans les mois à venir. D’abord, on l’a dit, parce que les prix ne cessent de grimper. Mais aussi parce que les autorités financières, inquiètes pour la solvabilité des banques ou des emprunteurs, ont sifflé la fin de la récréation à la mi-décembre. « Nous avons constaté une dérive progressive par rapport aux bonnes pratiques de crédit et une compétition très forte entre les établissements bancaires », souffle-t-on à Bercy. Après une phase de concertations, le Haut Conseil de stabilité financière a émis une série de recommandations pour encadrer un peu mieux les crédits.

  • Les chiffres de l’immobilier en France

Des conditions plus stricts sur les emprunts

A l’avenir, les banques devront veiller à respecter un taux d’effort maximal de 33%, une pratique convenue mais pas obligatoire, et leurs prêts ne devront pas excéder vingt-cinq ans de maturité. 15% de la production de crédits pourra échapper à ces préconisations, mais seulement dans le but d’encourager l’accession à la propriété pour les primo-acquéreurs. Si ces incitations n’étaient pas suivies d’effets, les autorités financières ont prévenu qu’elles pourraient durcir le ton. Côté banques et courtiers, où l’on assure déjà respecter ces bonnes pratiques, le message est passé mais laisse un goût amer. « Les pouvoirs publics tentent de diminuer la demande afin de calmer la hausse des prix, réagit Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi, courtier en crédit. Mais ce n’est pas la bonne solution. Ce qu’il faudrait faire pour diminuer la pression, c’est augmenter l’offre de logements. »

Contrer la pénurie de logements

Augmenter l’offre de logements ? Evidemment, dans des villes où les surfaces disponibles sont par définition restreintes, et où le prix du foncier flambe (à Paris, il a bondi de 71% en dix ans), c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais pas forcément impossible. Parmi les pistes envisagées, une idée fait son chemin: la dissociation du foncier et du bâti. Dans ce schéma, les acquéreurs peuvent ne devenir propriétaires que des murs, et pour une durée limitée, par le biais d’un bail emphytéotique pouvant courir de 18 à 99 ans et dénommé bail réel solidaire (BRS). La loi Alur, votée en 2014, autorise ce genre de montage, par le biais d’organismes de foncier solidaire (OFS), des structures à but non lucratif qui mettent leurs logements à disposition des ménages modestes. L’OFS reste alors propriétaire du terrain qui n’est plus remis en vente pour éviter la spéculation. Et les prix des acquisitions défient toute concurrence. L’idée plaît tellement que le gouvernement envisage de généraliser le dispositif. Une loi passée à l’Assemblée en 2019, issue du rapport du député Jean-Luc Lagleize (MoDem), propose ainsi de créer des offices fonciers libres, à capitaux publics et/ou privés sur le même principe que les OFS.

Dans la même veine, des initiatives privées voient aussi le jour, comme celle du gestionnaire d’actifs La Française et sa FlexiPropriété. Avec cette nouvelle offre, la société gère pour le compte de ses clients des structures qui font créer des logements neufs et les cèdent, pour une durée de cinquante ans, à des « flexipropriétaires ». Les prix sont de 30 à 40% inférieurs à ceux du marché de la propriété classique. Ces dispositifs vont cependant mettre un peu de temps avant de se développer. Cinq ans après le vote de la loi Alur, les premiers projets sortent tout juste de terre. A peine 19 OFS ont été créés et seuls cinq heureux ménages ont pour l’instant pu prendre leurs quartiers fin 2019, dans une ferme réaménagée à Espelette (64). « Vu mon salaire, je n’aurais jamais pu me permettre d’acheter », sourit Francis Arnaud. Cet ouvrier dans une tannerie de cuir a pu devenir propriétaire d’un T4 pour un prix d’environ 500 euros mensuels – soit le remboursement de son prêt et le coût de la redevance à l’OFS, d’environ 80 euros par mois – contre au moins 800 euros en situation normale. Même constat à Lille, où le premier OFS avait été créé dès 2017: les acquéreurs emménageront courant 2020 dans les 15 logements de la première opération, en plein cœur de la ville, dans l’ancienne faculté de pharmacie.

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