La politique monétaire peut-elle servir la transition écologique ?

Deux économistes proposent une «nouvelle approche monétaire» à même d’accompagner l’évolution de l’écologie. Bien que prometteuse, cette idée ne fait pas l’unanimité parmi leurs pairs.

Monnaie. Transition écologique. De prime abord, on peine à voir des liens entre les deux. Comment en effet un outil d’échange, censé être neutre, pourrait jouer un rôle dans le défi climatique? En dépit de sa complexité, la proposition de mettre la politique monétaire au service de la transition écologique commence doucement à faire son chemin dans le débat public. Si l’une de ses premières formulations remonte à la période de la dernière crise financière (2008-2012), l’idée a refait irruption au moment de la révolte des «gilets jaunes».

Pour éviter que les classes moyennes et populaires payent la facture de la transition écologique, l’économiste Pierre Larrouturou et le climatologue Jean Jouzel avaient alors proposé de mettre en place une banque du climat. Plus récemment, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a promis dans une tribune de mettre en place«un plan d’investissement pour l’Europe durable [qui] soutiendra 1.000 milliards d’euros d’investissements au cours de la prochaine décennie». En réponse à cette proposition, l’ancien ministre de la Transition écologique Nicolas Hulota estimé que «pour que ce plan soit à la hauteur des attentes des citoyens et des défis qui nous attendent, l’arme monétaire sera incontournable».

Bien qu’il commence à s’imposer dans le débat public, ce sujet n’y trouve pas encore pleinement sa place, certainement en raison de la difficulté d’appréhender les mécanismes de la politique monétaire que s’efforcent de poser dans le débat public plusieurs observateurs et économistes. Alain Grandjean, expert des questions économiques et climatiques et président de la fondation Nicolas Hulot, et Nicolas Dufrêne, haut fonctionnaire spécialiste des questions monétaires, en offrent une réponse détaillée. Dans Une monnaie écologique, les deux auteurs proposent une «nouvelle approche monétaire pour aider la transition écologique», et déclinent une série de mesures.

D’où vient la monnaie?

La politique monétaire reste un sujet difficile d’accès. Depuis l’émergence des premières théories économiques classiques, elle a toujours été l’objet de diverses interprétations. On retient deux conceptions principales: d’un côté, selon une vision qu’on peut qualifier d’orthodoxe, la monnaie serait un outil d’échange neutre, n’ayant aucun impact sur l’économie réelle.

D’un autre côté, on estime que la monnaie, selon sa quantité et les circuits qu’elle emprunte, joue un rôle dans l’économie réelle et la production des richesses. Pour certains des porteurs de cette seconde vision, outre son rôle économique, la monnaie aurait également un rôle social et… écologique à jouer.

«Nous avons libéré la monnaie des métaux précieux mais nous lui avons attaché le boulet de l’endettement.»

Nicolas Dufrêne, haut fonctionnaire spécialiste des questions monétaires

Mais si les interprétations du rôle et de l’impact de la monnaie divergent, on peut s’accorder sur sa nature. On distingue aujourd’hui deux types de monnaie: la monnaie fiduciaire et la monnaie scripturale. La première renvoie à l’ensemble des pièces et billets en circulation; quant à la seconde, il s’agit de l’ensemble des sommes inscrites sur les comptes bancaires. Celle-ci correspond aujourd’hui à 90% de la monnaie en circulation et provient des banques commerciales.

«La création monétaire repose […] sur l’accroissement du bilan des banques commerciales, lesquelles créent de la monnaie lorsqu’elles accordent un crédit ou achètent un actif. […] Il y a un côté paradoxal à cette situation: nous avons libéré la monnaie de la contrainte matérielle des métaux précieux mais nous lui avons attaché un autre boulet au pied, celui de l’endettement qui accompagne sa création», explique Nicolas Dufrêne.

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