Préférez-vous le nucléaire ou avoir froid cet hiver ?

Alors que le président de la République a maladroitement assimilé nucléaire civil et nucléaire militaire lors de sa visite au Creusot ce mardi, l’analyse des sources de l’énergie que nous consommons lors des pics de consommation actuels montre que ce ne sont pas les énergies renouvelables qui nous permettraient d’y faire face.

Atlantico.fr : Une nouvelle pointe de consommation électrique a été atteinte ce lundi. Sont-elles liées à l’hiver ? Lorsqu’il y a une pointe comme ça, c’est toujours le nucléaire qui assure la plus grosse partie ? Cette part est plus importante que la part d’installations dédiées au nucléaire, comment expliquer cela ?

Tristan Kamin : Il y a des pointes le matin et le soir toute l’année. Ce n’est pas tant la pointe que les bases qui sont modifiées par l’hiver, par le chauffage électrique notamment. Mais les pointes sont effectivement plus fortes en amplitude et surtout avec des valeurs maximales plus élevées. Typiquement en été, on aurait une base de 45 Gigawatts avec des pointes à 55 et en ce moment on va avoir une base à 70 avec des pointes à 80-85 Gigawatts. Il y a un vrai poids hivernal sur la base (beaucoup) et sur la pointe (un peu) parce que les chauffages, l’éclairage et les cuissons montent en puissance. Et sur le socle, c’est le nucléaire qui va couvrir encore aujourd’hui environ 60 à 80 % de la consommation. Actuellement, on utilise le nucléaire dans une part plus importante que sa part parmi les installations existantes. C’est à peu près 45 % de nos capacités de production raccordées au réseau, mais concrètement il arrive à environ 70 % de la production à un instant donné. On l’explique par le fait qu’une grosse majorité du parc est toujours en production. Ce jour, il y a onze réacteurs à l’arrêt sur 56. Donc on utilise le parc à plus des trois quarts, alors que les autres moyens de production sont sous-utilisés : l’hydraulique pour faire des pointes, les centrales à gaz qu’on utilise plus ou moins selon les saisons et puis l’éolien et le solaire qui ont une production bien inférieure à leur capacité théorique. Le solaire est à sa capacité théorique en fin de printemps à midi et l’éolien n’est jamais à pleine capacité, et en est loin en ce moment.

Au vu des consommations pendant les pics actuellement, est-ce que l’hiver va être énergétiquement viable ou doit on s’attendre à des coupures ?

Le maximum historique qu’on a connu, en février 2012 était à 102 Gigawatts. Aujourd’hui on sait qu’on n’arriverait plus aussi haut, et heureusement car on ne pourrait plus l’encaisser parce que nous n’avons plus autant de centrales au fioul pour venir en secours. Le maximum raisonnable c’est vraisemblablement autour de 90 GW. Quant à savoir si on saura couvrir une telle demande… ça dépendra de quand ça arrive. Actuellement, nous sommes sur une tendance normale d’hiver. Tant qu’on y reste, il n’y a pas de problèmes annoncés. Ceci dit, on n’est pas à l’abri d’un imprévu. RTE dit qu’on est capable de gérer tous les scénarios sauf un pic de froid courant février. En effet, on a eu des faibles disponibilités du nucléaire liés à des décalages de maintenant en raison du Covid et en ce moment on remonte à des niveaux classiques mais on sait qu’on va repartir dans une vague de maintenance courant février. Et si on a une vague de froid tardive à ce moment on va devoir faire appel aux moyens de secours qui sont de délester les industriels, baisser la tension sur le réseau et en dernier recours, effectuer des coupures chez les particuliers. Même dans ce cas, il s’agirait de coupures tournantes de quelques minutes, peut-être une heure, une région ou un quartier après l’autre, lors des pics à 9h du matin ou 19h.

Quelle est la marge de manœuvre d’utilisation des énergies ?

Sur le nucléaire, en ce moment, tous les réacteurs disponibles produisent à peu près à 100% de leurs capacités. Il n’y a pas souplesse à la hausse sur le nucléaire en ce moment. La seule flexibilité qu’on va avoir c’est sur les maintenances qui se terminent. La souplesse de la production se fait en petite partie par le gaz, mais ça reste une petite plage de puissance (de 5 à 9 GW) et le gros de la souplesse provient de l’hydraulique. Sur une journée cela peut varier du simple au triple, de 3 à 15 Gigawatts. Il y a l’hydraulique des cours d’eau et celui des barrages. L’hydraulique des barrages est utilisé pour gérer les pointes. Si on l’utilise pour une production soutenue cela va vider les barrages. Enfin, il y a les importations. Ce week-end, on exportait jusqu’à 5 GW, et en ce début de semaine on importe jusqu’à 9 GW. L’importation est très variable. En ce moment l’Espagne et le Portugal exportent pas mal parce qu’ils ont beaucoup de vent.

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