Annuler la dette des États : un encouragement à faire n’importe quoi


Les États sont à la peine, la dette publique explose et ce fardeau risque de peser sur la vie économique pendant de longues années. Sauf si on décidait d’annuler purement et simplement une partie de cette dette. Mais il vaut mieux ne pas trop y croire.

L’idée d’une annulation de la dette des États européens a commencé à circuler très vite dans certains cercles dès lors qu’il est apparu que la crise économique provoquée par la crise sanitaire allait avoir un coût très élevé pour les finances publiques.

Puis le sujet s’est imposé dans le débat public lorsque Jean-Luc Mélenchon s’est emparé de l’idée et a mis bruyamment les pieds dans le plat comme il sait si bien le faire. Face à la montée en puissance de cette thèse, Christine Lagarde, présidente de la BCE, était intervenue pour la déclarer «totalement impensable».

On croyait le débat terminé, il a resurgi à l’automne, avec même des ramifications en Italie, obligeant les autorités monétaires à de nouvelles mises au point très fermes.

La proposition paraît assez peu réaliste, mais il est probable qu’elle va continuer à alimenter des polémiques et ceux qui la soutiennent ont des arguments qui méritent d’être pris en considération. Il est donc nécessaire de ne pas la traiter par le mépris et de voir pourquoi cette idée a pu germer, quels avantages aurait son application et les raisons qui poussent, en définitive, à ne pas la retenir.

La montée de la dette est un problème mondial qui concerne tous les acteurs économiques, les ménages, les entreprises, les établissements financiers et les États. Déjà avant l’apparition de la pandémie, les économistes notaient qu’elle s’élevait bien au-delà du niveau atteint avant la crise financière de 2008. Les problèmes rencontrés en 2020 n’ont pas arrangé la situation. Selon les estimations de l’Institut de la finance internationale, la dette mondiale devait se monter à la fin de l’année passée à 277.000 milliards de dollars, soit environ 365% du PIB mondial. La dette publique aurait grimpé au cours des derniers mois à un rythme particulièrement rapide, passant de 88,7% à 104,8% du PIB entre le troisième trimestre 2019 et le troisième trimestre 2020.

La croissance ne peut tout faire

Comment expliquer cette hausse de la dette publique? Le premier point à considérer est la baisse du PIB (produit intérieur brut) dans tous les pays, seule la Chine paraissant avoir fait exception. Si on mesure la dette de façon relative, en proportion de la richesse que l’on crée dans une année, une baisse du PIB conduit mécaniquement à une hausse de la dette, même si celle-ci n’a pas augmenté dans l’absolu. Pour un pays qui a une dette de 100 pour un PIB de 100, un simple maintien de la dette à ce niveau avec un PIB qui chute à 90 conduit à une dette de 111% du PIB.

A priori, on peut penser que ce n’est pas très grave: si, une fois la crise passée, le PIB revient à 100, on retrouve la situation précédente. C’est d’ailleurs pour cette raison que tous les gouvernements donnent la priorité au retour de la croissance, en expliquant que c’est la meilleure façon de rendre supportable le fardeau de la dette. Cela dit, quand le PIB a reculé de 10% pour venir à 90, il faut ensuite enregistrer une croissance de 11,1% pour retrouver le niveau de 100. Les dernières prévisions de l’OCDE nous montrent que la plupart des pays seront loin de croître en 2021 plus vite qu’ils n’ont chuté en 2020 et qu’ils ne réussiront pas à regagner le terrain perdu avant 2022.

Et même en supposant qu’ils retrouvent rapidement le niveau précédent de PIB, leur taux d’endettement grimperait tout de même, car les déficits budgétaires se sont accrus et il a fallu créer de la dette nouvelle. Trois éléments ont pu contribuer à cette hausse des déficits. D’abord, l’effet de ce qu’on appelle les stabilisateurs automatiques: quand le PIB recule, les rentrées fiscales baissent alors que les dépenses augmentent (allocations chômage, aides sociales diverses, etc.) même si les gouvernements ne prennent pas de mesures nouvelles. Ensuite, les plans d’urgence destinés à soutenir le revenu des ménages et à compenser en partie la baisse des recettes des entreprises. Enfin, les plans de relance mis au point pour faciliter la reprise de l’activité.

Des interventions massives qui ne coûtent rien (pour l’instant)

Tous les pays sont intervenus assez massivement, avec un dosage différent des plans d’urgence et de relance. L’Allemagne, par exemple, a agi plus fortement que la France en urgence, mais n’a pas pour l’instant jugé utile de lancer un plan de relance aussi important. Des différences apparaissent dans le montant total. «La réponse budgétaire en 2020 de la France se situerait donc dans la moyenne basse des six plus grandes économies de l’Europe», estime le Conseil national de productivité dans un rapport publié au début de ce mois de janvier (le Conseil national de productivité n’est pas un de ces comités Théodule dont la France a le secret et que notre président semble affectionner, c’est une institution qui a été créée dans chacun des pays membres de la zone euro pour analyser l’impact des mesures prises par chacun et essayer d’aboutir à une meilleure coordination des politiques économiques).

Mais la réaction à la crise devra aussi tenir compte des dépenses inscrites dans les budgets 2021 voire 2022. Et, malgré les écarts qui pourraient subsister, la dégradation de la situation des finances publiques est générale. En France, de la fin du troisième trimestre 2019 à la fin du troisième trimestre 2020, le poids de la dette publique est passé de 100% du PIB à 116,4%. Et ce n’est pas fini.

S’endetter n’a rien coûté à la France en 2020. Au contraire, ce sont les investisseurs qui paient pour avoir la possibilité de lui prêter de l’argent!

Pour l’instant, la hausse de l’endettement ne pose pas de problème. Car partout –au Japon, aux États-Unis, en Europe–, les banques centrales ont fait ce qu’il fallait pour que les taux à court terme restent proches de zéro, voire inférieurs à zéro et, pour que les taux d’intérêt à long terme restent eux aussi très faibles, elles ont acheté sur le marché des emprunts d’État en grande quantité.

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